Revolver Rani
Langue | Hindi |
Genre | Comédie |
Dir. Photo | Suhas Gujarathi |
Acteurs | Kangana Ranaut, Vir Das, Zakir Hussain, Piyush Mishra, Kumud Mishra, Pankaj Saraswat, Zeishan Quadri |
Dir. Musical | Sanjeev Srivastava |
Paroliers | Shaheen Iqbal, Puneet Sharma |
Chanteurs | Asha Bhosle, Rekha Bharadwaj, Anwesha Datta Gupta, Usha Uthup, Piyush Mishra, Mayur Vyas, Abhishek Mukherjee, Gorisa, Sanjeev Srivastava, Rahul Gandhi, Garima Aneja, Avi Dutta, Sameera, Keka, Manjeera, Saleem Javed, Moin Sabri |
Producteurs | Rahul Mittra , Raju Chadha, Crouching Tiger Motion Pictures, Nitin Tej Ahuja |
Durée | 131 mn |
Bande originale
Revolver Rani |
Thaayein Kare Katta |
Kaafi Nahi Chaand |
Chal Lade Re Bhaiya |
Sulgi Hui Hai Raakh |
Banna Banni [Revolver Rani] |
I Am Brutal |
Saawan Ki Aye Hawa |
Bol Rahi Hai Payal |
Chanda Ki Katori Hai (Lorie) |
Pehle Lohe Ki Chingaari |
We Mix You Micheal Jackson |
Zardozi Lamhe |
Chanda Ki Katori Hai (Lorie) II |
Revolver Rani (Reprise) |
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Fiche IMDB |
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L’Inde aime les recherches de talents, même dans la vallée de la rivière Chambal où règnent en maîtres les roitelets mafieux et les parrains au sang bleu. Alka Singh (Kangana Ranaut) est une de ces reines dont on ne sait si elle a acquis sa couronne par la naissance ou grâce à son adresse mortelle au pistolet. Elle préside justement un concours qui se tient dans son fief du Madhya Pradesh. Des hommes y défilent en caleçon pour lui faire un petit numéro à mi-chemin entre X-Factor et un défilé de Miss en maillot de bain. Un des candidats, Rohan Kapoor (Vir Das), parvient à émouvoir la belle qui s’entiche sans tarder de l’apprenti acteur. En un clin d’œil, le jeune homme qui se rêve star à Bollywood devient un jouet avec le lequel Alka s’envoie joyeusement en l’air. Heureusement pour les affaires, Balli (Piyush Mishra) son éminence grise, veille soigneusement au grain.
Il a bien des raisons de s’inquiéter. Elle a perdu les élections et ses opposants lui en veulent à mort d’avoir tué un des leurs. Leur chef nouvellement élu, Udaybhan Tomar (Zakir Hussain) hésite pourtant à déclencher une expédition punitive. Après tout, les partisans de celle que tous appellent Revolver Rani sont encore très nombreux et surtout, elle est extrêmement dangereuse avec 24 enquêtes pour meurtre sur le dos…
Pour son premier film sorti en salles [1], Sai Kabir a tenté un tour de force : écrire et réaliser un film sans équivalent à Bollywood. Revolver Rani nous présente un monde exclusivement peuplé de « vilains ». Son personnage principal est une méchante qui n’a pas beaucoup d’excuses. Elle tue sans hésitation ni remord. Mais à bien y regarder, ils sont tous comme ça. Il n’y en a pas un pour racheter l’autre. On se dit rapidement que ça ne peut pas bien finir puisqu’il n’y a pas de gentils. Ce pourrait être lourd, c’est au contraire très drôle. Nous sommes dans une farce indienne qui tutoie le cinéma de Quentin Tarantino.
Alka est une fort jolie Gabbar en jupon, le corps couvert des cicatrices de ses batailles passées. Elle se bat d’ailleurs comme son illustre modèle. En plus violent même. Sans avoir compté, il semble qu’elle ait fait à elle seule plus de morts que toute la bande de Sholay réunie. À vrai dire, elle défouraille un peu au hasard. Quand c’est un pistolet, ça va encore. Mais quand elle sort l’AKA47, ça fait du dégât. Cette femme, seule dans un univers exclusivement masculin, se comporte comme n’importe quel dacoit. Elle est respectée et crainte comme elle le mérite. Il faut croire que les armes de poing constituent un remède radical à la misogynie rampante.
L’irruption de Rohan va tout changer. Au début, l’inversion des codes est jubilatoire. Aussi bizarre que cela paraisse, il joue le rôle de Mahua, la courtisane du Maître dans Saheb, Biwi Aur Gangster. Il y a cependant deux différences de taille. Tout d’abord, ce n’est pas lui faire injure que de dire que Vir Das est nettement moins séduisant que Shreya Narayan. Ensuite, lorsque ça se complique, elle ne le fait pas dévorer par son chien ni même tabasser par ses sbires. C’est qu’elle en vient à l’aimer, son sex-toy toy-boy !. Il s’agit pourtant d’un salopard cynique qui ne pense qu’à profiter d’elle entre deux lignes de coke et des visites clandestines à une plantureuse copine. En réalité, Revolver Rani est aveuglée à en devenir touchante. Le bandit implacable est une femme amoureuse. La cuirasse qu’on croyait indestructible a un défaut de conception.
Même si elle se liquéfie à vue d’œil, Alka essaye de faire son job de don en tentant de récupérer son siège au parlement. Il faut de la finesse et on ne peut pas faire n’importe quoi, il s’agit d’une élection quand même. C’est pourquoi son fidèle Balli, qu’elle appelle affectueusement « mama », est à la manœuvre. Il utilise la presse et nous assistons à un portrait au vitriol aussi bien des journalistes que des politiciens corrompus. Chacun dans son rôle de part et autre du micro, ils sont tous formidablement ridicules. Ils prennent des airs sérieux et pénétrés. Ils se poussent du col. Ils s’essayent à l’anglais pour se dire cultivés. Si on a un peu regardé la télévision, on ne peut qu’être effrayé par la vraisemblance du film.
Mais que fait la police ? Elle est aux ordres. Et la justice alors ? C’est quoi « justice » ? Revolver Rani nous fait visiter tous les recoins d’une jungle de non-droit entre deux gags. Après l’entracte, il pousse plus loin et s’attaque sans hésiter au mariage et à la religion. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas pleuré de rire. Certains ont été gênés par la seconde partie du film qui caricature aussi la maternité. La femme indienne est censée être une bonne mère, douce et aimante n’est-ce pas ? Et si ce n’est pas le cas… On pense à Dekh Tamasha Dekh, en plus drôle encore, mais aussi en plus brutal.
Dans un film « normal », les auteurs chercheraient à nous attacher aux personnages. Ici, ils n’essayent même pas. Il y a bien quelques jolis moments plus tendres, mais ça ne suffit pas pour qu’on s’identifie à ces dingues. Nous sommes simplement au spectacle, comme dans un zoo. Et lorsque le lion mange la chèvre, on se dit que c’est cruel. De toute façon, s’il ne l’avait pas fait, il aurait reçu un mauvais coup de cornes. C’est la nature. Il n’y a pas de morale.
Kangana venait de tourner Queen lorsqu’elle s’est retrouvée à Gwalior les armes à la main en mars 2013. Krrish 3 n’avait même pas encore atteint les écrans et le triomphe de « reine de Rajori » était encore bien loin. Ce qu’on a pu prendre au moment de la sortie de Revolver Rani comme un tournant à 180° pour renouveler son image n’était qu’un hasard. Peu importe qu’elle soit ici aussi un peu enlaidie [2], elle est à l’évidence Alka Singh, la folle de la gâchette (et aussi du couteau, du ceinturon etc.). Même si les pistolets sont à l’évidence trop lourds pour elle, elle n’en est que plus drôle. Ses scènes intimistes sont souvent particulièrement savoureuses. Vir Das est parfait de veulerie. Zakir Hussain qui pouvait être si inquiétant dans Shabri par exemple est ici totalement hilarant. La révélation du film est peut-être Piyush Mishra. Il incarne à la perfection le conseiller occulte qui tire les ficelles. On en redemande.
Si le film sort de l’ordinaire, la musique est à l’unisson. Il s’ouvre avec une formidable chanson-titre un peu jazzy interprétée par une Usha Uthup à la voix de stentor. Le titre le plus extraordinaire est peut-être I’m brutal éructé par Sanjeev Srivastava sur fond de bagarre sanglante. Son refrain hallucinant I am not bad, I’m brutal my baby / I will eat you like noodle my baby (Je ne suis pas mauvais, je suis brutal mon Bébé / Je te mangerai comme des pâtes mon Bébé) reste dans toutes les mémoires. Les autres chansons, plus douces, sont un plaisir pour les oreilles. Comme on pouvait l’espérer, aucune n’a le mauvais goût d’être chorégraphiée. Pourquoi ajouter un item-number quand Kangana Ranaut assure le show pendant tout le film ?
Tigmanshu Dhulia qui s’est fait une spécialité des films de bandits, a permis à Sai Kabir d’écrire et réaliser un film étonnant. Revolver Rani ne se contente pas de tourner le dos aux conventions, il les piétine. Le héros, si l’on peut dire, est une femme qui n’a aucune des préventions morales habituelles. On cherchera en vain les qualités de l’amant qu’elle a choisi comme de tout son entourage, alliés comme adversaires.
Quand un sentiment humain comme l’amour fait irruption dans cet univers affreux, c’est la panique. Personne ne sait comment réagir, pas même la première intéressée. La caricature est désopilante et nous passons deux heures de bonheur à les voir s’entre-tuer. L’image de fin laisse imaginer une suite. On se prend à rêver qu’elle soit aussi rafraîchissante.
[1] Chemistry, son film précédent pourtant tourné en 2011, attend toujours d’être distribué quatre ans après.
[2] Les auteurs n’ont pas vraiment réussi. Elle porte toujours aussi élégamment ses costumes, et le teint mat qu’ils lui ont donné lui va très bien. Ne parlons pas des soutiens-gorge métalliques qu’elle arbore avec une classe rare.