Nishabd
Traduction : Silence
Langue | Hindi |
Genres | Drame, Films semi-commerciaux |
Dir. Photo | Amit Roy |
Acteurs | Amitabh Bachchan, Aftab Shivdasani, Jiah Khan, Nasser, Revathi |
Dir. Musical | Vishal Bhardwaj, Amar Mohile |
Paroliers | Farhad-Sajid, Munna Dhiman |
Chanteurs | Amitabh Bachchan, Jiah Khan |
Producteur | Ram Gopal Varma |
Durée | 108 mn |
Nishabd met en scène la rencontre imprévue entre un fringant sexagénaire, campé par Amitabh Bachchan, et une toute jeune femme de dix-huit ans. Tombant progressivement sous le charme de l’adolescente, notre héros devra cacher sa flamme à son entourage et résister aux avances de la jeune effrontée…
Nishabd est un film à part dans la filmographie pléthorique d’Amitabh. Dès le départ, le scénario que lui propose l’imprévisible Ram Gopal Varma est délicat, puisque c’est plus ou moins une nouvelle version de Lolita de Kubrick, d’après Nabokov. Même si RGV a préféré vieillir la jeune adolescente de l’original, le sujet reste sulfureux pour le public indien, le film ayant d’ailleurs essuyé un échec au box-office. Et pourtant, malgré la désapprobation de sa propre famille, Amitabh a osé se lancer dans ce projet risqué. Et le résultat, s’il est sans surprise d’un point de vue technique (mise en scène discrète mais abus de filtres bleus notamment), est mémorable pour son rôle : un peu comme dans sa romance Baghban quelques années auparavant, qu’il partageait avec une actrice de sa génération, l’imposant acteur retrouve son âme de jeune homme dans les scènes où il tombe amoureux. Mais son rôle dans Nishabd, un film beaucoup moins commercial, est plus fin, et le fait de voir cette star que l’on croyait solide comme un roc fondre d’hésitation devant les charmes de la troublante jeune femme est déstabilisant pour le spectateur. On croit complètement à l’attirance du Big B pour la jeune Jiah Khan, belle à croquer, que l’on reverra si tout va bien dans Ghajini avec Aamir Khan. Comme dans les autres films des années 2000 dans lesquels il tombe amoureux, Amitabh est à mille lieues du cabotinage plaisant de ses comédies, et plus naturel que d’habitude. Grâce à sa spontanéité, certaines scènes, hélas trop rares, prennent même aux tripes comme celle où, au lit avec sa femme, interprétée par la superbe Revathi (ils se retrouvent deux ans après le très mineur Dil Jo Bhi Kahey…), il se réveille en pleine nuit et éclate de rire dans une euphorie nerveuse, comme un gamin immature qui vit son premier amour.
Ce film en demi-teintes est cependant légèrement décevant. Dans le contexte prude du cinéma indien, il est en effet dommage que le cinéaste, connu pour son audace, s’en tienne à des effleurements, des non-dits, et n’aille pas très loin dans l’immoralité, le film restant avant tout un alignement de scènes de séduction avortées qui ne se concrétiseront jamais. Nishabd est donc un film trop sage, qui manque un peu d’indécence malgré la présence magnétique de la jeune actrice. De plus, Ram Gopal Varma préfère adopter finalement un point de vue conservateur et se ranger du côté de l’entourage du protagoniste, qui désapprouve son amitié très particulière avec la jeune fille, même si ces dernières scènes du film sont tout de même l’occasion rare pour le spectateur de culpabiliser en même temps que le vulnérable Amitabh, un comble pour une star qui est le symbole de la virilité bollywoodienne.
C’est également pour le prolifique cinéaste l’occasion d’expérimenter à nouveau dans la romance semi-commerciale après son intéressant Naach avec Abhishek Bachchan en 2004, et de réussir du même coup son meilleur film depuis plusieurs années, nettement plus prenant que la très classique histoire de gangsters de Sarkar, sa première collaboration avec Amitji. Dans Nishabd, on s’identifie comme jamais à l’acteur amoureux, et son coup de foudre est rarement le prétexte à des épanchements lyriques, une relative sobriété auteurisante qui explique peut-être le fiasco au box-office. Si elle n’est pas si subversive que ça, cette œuvre est pourtant marquante dans la longue carrière d’Amitabh, et il ne serait pas étonnant si elle était un jour considérée comme l’un de ses films majeurs des années 2000. Car sa prestation généreuse nous prouve une fois de plus qu’à la soixantaine, il est plus avide de rôles nouveaux que jamais…
La preuve : quelques mois seulement après la sortie du film, Amitabh tombera à nouveau amoureux d’une jeune femme, incarnée par Tabu, dans la pétillante comédie sentimentale Cheeni Kum. Puis il retrouvera la même année le réalisateur de Nishabd pour Ram Gopal Varma Ki Aag, le remake de Sholay, un projet raté mais culotté dans lequel le caméléon Bachchan s’en tirera encore une fois avec les honneurs.