Gundaraj
Langue | Hindi |
Genres | Polar, Film d’action |
Dir. Photo | Sripad Natu |
Acteurs | Kajol, Ajay Devgan, Amrish Puri, Asrani, Mohnish Behl, Sharat Saxena, Mohan Joshi |
Dir. Musical | Anu Malik |
Paroliers | Zameer Kazmi, Zafar Gorakhpuri, Rahat Indori, Shyam Anuragi |
Chanteurs | Kumar Sanu, Sadhana Sargam, Alka Yagnik, Alisha Chinai, Bali Brahmbhatt |
Producteurs | Lalit Kapoor, Raju Narula |
Durée | 140 mn |
Ajay Chauhan (Ajay Devgn) est vraiment un garçon très bien, malheureusement sa famille ne roule pas sur l’or. Son père n’est pas en grande forme, affaibli par des problèmes de santé ; sa mère, protectrice, méconnaît tout du « travail » nocturne de son rejeton adoré ; et, surtout, sa jeune sœur est devenue une femme à marier… Et, il fallait s’y attendre, ils n’ont pas le sou pour subvenir aux exigences de la dot.
Alors Ajay (Chauhan pas Devgn) — histoire de faire rentrer quelques deniers dans la bourse familiale — accoutré à la dernière mode des bad boys, pantalon-en-cuir-très-serré-à-l’entrejambe, se dandine dans un club assez glauque. Tout y est sordide, le club, les chansons et les chorés.
D’autre part, incarnation de la plus grande honnêteté, Ajay ne s’adonne pas à la facilité du jeu et des paris, mais participe, spartiate — quand le besoin l’exige —, à des combats de boxe que sa jolie copine Pooja (Anjali Jathar) regarde avec intérêt, pour ne pas dire avec beaucoup d’avidité. Évidemment, ses parents ne sont au courant ni de ses idylles ni de ses activités pugilistiques.
La vie lui souriant, Ajay est finalement embauché dans une entreprise grâce à son intégrité à toute épreuve. Mais le destin s’acharnant aussitôt sur lui, il est accusé d’être un criminel : Ajay, l’innocent jeune homme aux yeux doux, serait en fait un violeur !
Accusé d’avoir brisé à jamais la vie de trois filles qui gisent désormais dans des tristes lits d’hôpital, torturé par la police, reconnu coupable d’un crime qu’il n’a pas commis, Ajay est condamné à sept ans de prison… Une fois libéré bien des choses ont changé, son père et sa copine se sont suicidés (bam !), sa sœur est dans un asile psychiatrique (poum !) et sa mère gît gravement souffrante dans un bidonville (crac !). Ajay, l’honnête battant, part à la recherche de la vérité.
Ritu (Kajol) est une jeune reportrice dont l’emploi ne tient qu’à un fil. Pour conserver son poste, on lui enjoint de couvrir une affaire retentissante. Celle d’Ajay, sortant tout juste de prison, lui est donc attribuée. D’abord craintive du violeur potentiel, ensuite résolue parce que convaincue de l’innocence d’Ajay, Ritu — belle et espiègle à souhait — va l’aider à découvrir la sombre et labyrinthique histoire qui se cache derrière son emprisonnement. Une douce romance va peu à peu naître entre eux alors que leur enquête progresse, et que les chemins étranges du désir s’entremêlent aux méandres tortueux d’une société gangrenée par la corruption de ses institutions et par une clique de politiciens véreux.
En parallèle Amrish Puri, inspecteur de police à ses heures perdues, est un justicier en exercice.
Non seulement il distribue des baffes à ceux qui molestent les jeunes filles en fleur, mais, surtout, il vit et respire pour se faire celui qui a agressé sa fille plongée dans le coma. Dans son combat quotidien contre les maux de la société — trafic d’armes, corruption et complots — il devra composer avec la libération d’Ajay qui lui est insupportable.
Malgré les facilités d’un scénario grossier, aux multiples raccourcis et aux rebondissements tout aussi attendus que rocambolesques, la réalisation du film travaille avec efficacité des thématiques propres au genre policier. La quête ardue pour la vérité, le crime exécrable non élucidé, la corruption ignominieuse de la politique, le chantage (une sombre affaire de cassettes pornographiques), et la perte de l’innocence trouvent une place de choix dans un film bien rythmé, doté en plus d’intermèdes amoureux cohérents — savoureux même grâce à Kajol — et de scènes d’action bien conduites (bien qu’un peu trop brutales).
Dès les premières secondes de la bobine l’esthétique policière de Gundaraj s’affirme par une musique d’intro au synthétiseur, pas aussi entêtante que celle d’Assaut de John Carpenter, mais tout de même bienvenue et efficace. Le montage et les effets de caméra donnent aussi un résultat assez plaisant, et ce d’autant plus qu’ils sont utilisés avec une certaine parcimonie — fait assez rare pour être souligné : Montage saccadé et tonitruant, images arrêtées, objectif qui devient mire de franc-tireur (œil impudique, à la recherche du coupable, balayant une ville d’anonymes), etc.
Côté musique, rien de bien folichon mis à part l’intro au synthé déjà évoquée. Bad Boys est soit drôle soit rebutant, I Love You assez passable — Kajol est toujours aussi belle, même quand on la force à se dandiner sur des chorégraphies affreuses —, on ne retiendra que la voix entraînante d’Alisha Chinai dans Ek Nigah Mein, accompagnée par une choré sympa mettant en valeur l’actrice.
Ce n’est évidemment pas son plus grand rôle, mais Kajol est assez crédible en jeune journaliste d’investigation déterminée et au bon cœur. Elle donne beaucoup à ce film, surtout sa fraîcheur incroyable qui apporte des variations de rythme salutaires à une histoire volontairement sordide. Comme d’habitude, et même si son rôle est secondaire, on retiendra sa capacité à jouer sur plusieurs registres, tour à tour drôle, naïve, taquine, sensuelle, déterminée… on aperçoit déjà Simran, Anjali, Priya… Néanmoins, on restera tout de même étonnés qu’après l’excellent Udhaar Ki Zindagi et le mémorable Yeh Dillagi, elle ait accepté ce rôle plutôt effacé [1].
Malgré sa mine niaise, Ajay Devgn joue avec justesse un jeune homme dont la perte brutale de l’innocence le conduira à devenir un instrument de la justice populaire — « populiste » serait plus approprié (cf. infra). Bien que son jeu ne soit pas transcendant, Devgn réussit étonnamment à donner une certaine subtilité à sa transformation de fils modèle en un ersatz d’Ange exterminateur.
Dans les années 90, Ajay (Devgn pas Chauhan) s’était fait une spécialité des rôles de jeune justicier vengeur frappé par une destinée funeste, devant laver l’honneur familial et châtiant des crimes impunis (Platform, Shaktiman, Hulchul, etc). Gundaraj ne fait pas exception à cette règle, c’en est même l’exemple paroxystique sans que le résultat ne soit pour autant déshonorant ou aberrant.
Cependant, malgré sa réalisation correcte et une intrigue policière remplissant ses promesses, Gundaraj déçoit. Déception couplée au dégoût parce que le film baigne dans une profonde et trouble démagogie, la dernière scène étant incroyablement abjecte, digne de l’infâme et inénarrable Vijayendra Varma. Certes, le discours démagogique traverse toute l’œuvre sans pour autant être complètement vomitif, mais le spectacle final — expiation par le sang sur fond de Vande Mataram, meurtre festif célébré par une assemblée populaire composée en majorité d’écoliers — expulse définitivement Gundaraj dans les profondeurs abyssales des ténèbres extérieures de la médiocrité populiste [2].
La dénonciation de la corruption et la célébration des héros se faisant justice par eux-mêmes — sur fond d’institutions défaillantes et indifférentes — est un prolongement naturel du genre policier… « Harry le charognard » est passé par là… cependant, l’outrance conclusive de Gundaraj oblige à reconsidérer l’appréciation du métrage visionné. Son discours populiste totalisant, teinté de brutalité justicière, efface tout ce que le film avait pu construire : le viol n’est qu’anecdotique, une affaire que l’on peut évacuer sans trop d’inquiétude ; la vérité n’est que secondaire et passagère ; seuls comptent les vertus consolatrices de la violence et l’éclat de la justice exercée — exécutée ! — par soi-même, avec si possible un drapeau national entre les mains.
Avouons-le, Gundaraj n’est sauvé que par la prestation de Kajol.