Tahaan
Langue | Hindi |
Genre | Films semi-commerciaux |
Dir. Photo | Santosh Sivan |
Acteurs | Anupam Kher, Rahul Bose, Purav Bhandare |
Dir. Musical | Adnan Sami, Taufiq Qureshi |
Paroliers | Mehboob Kotwal, Fazil Kashmiri |
Chanteur | Gulzar Ganai |
Producteurs | Shripal Morakhia, Mubina Rattonsey |
Durée | 120 mn |
Il y a des fois, en regardant un film, où le temps s’arrête complètement et on se retrouve captivé par une histoire, une ambiance ou les deux. Tahaan fait partie des films qui vous procurent ce type de sensation.
Tahaan est un petit garçon de 8 ans qui vit dans le Cachemire. Avec sa mère, sa sœur et son grand-père il mène une petite vie paisible malgré la présence des forces militaires et la disparition de son père depuis plusieurs années. Tahaan s’est finalement construit son petit monde qui gravite autour de Bilbar, son âne. L’amitié entre le jeune garçon et l’âne est telle, que ce dernier n’obéit qu’aux ordres de Tahaan. Mais un jour, lorsque le grand-père meurt, la famille de Tahaan est obligé de vendre Bilbar au prêteur de fonds local pour rembourser une partie de leur dette. Tahaan, se refusant à ce coup du sort, va tout faire pour reprendre Bilbar, même les choses les plus dangereuses. Durant cette aventure, il va rencontrer des personnages atypiques et effectuer une quête qui l’amènera à donner un sens à sa vie…
Les réalisateurs de films d’auteur ont la passion des jeunes bambins. Après Ramchand Pakistani et The Blue Umbrella, Tahaan met lui aussi en vedette un enfant prodige. Le réalisateur Santosh Sivan, à qui l’on doit Asoka ou The Terrorist ne s’y est pas trompé. A la candide fraîcheur de son héros, il rajoute une sorte de poésie ambiante dans la réalisation, faisant de Tahaan une expérience unique.
Tout d’abord, Santosh Sivan nous fait voyager d’une façon inhabituelle. En effet, il nous propose une sorte de road-trip sur une distance très courte. Pas de traversée du désert, ni de tour du monde pour Tahaan, seulement le parcours des environs de son village, coincé dans la vallée du Cachemire. Cela ne nous empêche pas de voyager, bien au contraire. La caméra de Santosh Sivan sublime décors et paysages. Il nous en met plein la vue avec une alternance de plans lumineux (comme touchés par la grâce), de plans sombres, d’autres centrés sur la faune et la flore qui contrastent avec le froid de la neige et de la glace… bref, on ressort de ce film comme si on avait réellement parcouru les montagnes du Cachemire en compagnie de Tahaan. Il est à noter que le film a entièrement été tourné au Cachemire, à Pahalgam. Cela faisait 18 ans qu’un film n’avait pas complètement été tourné dans la région à cause de la situation d’urgence qui règne dans la vallée (le film Yahaan avait été tourné dans une autre partie du Cachemire).
L’histoire du film est simple, mais les péripéties du jeune Tahaan sont passionnantes, et amènent de nombreuses questions tout au long du film. Comme le héros, on ne comprend pas tout se qui se passe, mais comme lui on va le découvrir au fur et à mesure de son voyage initiatique. Dès les premières scènes on est sensible à la relation particulière qui existe entre Tahaan et Bilbar. La complicité entre l’animal et le garçon est touchante, et on attend de les voir réunis à nouveau. Tout en conservant ce fil rouge, le réalisateur arrive à nous faire rire, à nous émouvoir, mais aussi à nous faire réfléchir. Les scènes de fond suggérant le conflit du Cachemire se font de plus en plus pressantes, et inévitablement se mêlent au quotidien de notre héros.
Jamais misérabiliste, ni donneur de leçons, le propos du film est engagé et décalé, comme le montre une scène en particulier. Tahaan cherche Subhan Darr (Anupam Kher) et demande à des enfants qui jouent à la guerre avec des mitraillettes en plastique. Ils font semblant d’être tués, et seul Tahaan erre et demande à chacun où est passé Subhan Darr. Il est décalé par rapport aux événements car une seule chose lui importe, retrouver son âne Bilbar. Comme celle-ci, le film est truffé de scènes inoubliables. On notera la magnifique course entre l’âne de Tahaan et les mules de Zafar (Rahul Bose), le mystère autour du village déserté de l’ami de Subhan Darr ou encore la séquence des chanteurs de qawwali (sorte de "checkpoint" pour se situer dans le parcours effectué par Tahaan).
Sans le jeune Purav Bhandare, le film n’aurait pas été le même. Extraordinaire du début à la fin, sa prestation transcende le film. Qui penserait que ce gamin vit avec ses parents dans un quartier de Mumbai, qu’il va à l’école ? Après avoir vu Tahaan, on est en droit de s’imaginer que Purav habite depuis sa plus tendre enfance dans ce village reculé du Cachemire. Sa présence gestuelle, son langage, son regard sont simplement exceptionnels. Si Darsheel Safary de Taare Zameen Par et Syed Fazel Hussain de Ramchand Pakistani nous avaient impressionnés l’année dernière, le naturel de Purav Bhandare est une vraie claque. Anupam Kher ne s’y est pas trompé en ne cessant de louer les qualités de son jeune collègue.
On est d’ailleurs heureux de retrouver Anupam Kher dans ce rôle désinvolte et roublard. Il marque de son empreinte le film avec sa classe et son talent. Mais il n’est pas la seule surprise du casting. De nombreux acteurs reconnus du cinéma indien ont en effet accepté de faire des apparitions plus ou moins importantes.
On notera le rôle ahuri de Rahul Bose qui montre une de ses autres facettes, la retenue de Sarika en mère éplorée, ou le rôle ingrat de Rahul Khanna.
Techniquement le film est une merveille. La photographie de Santosh Sivan est une fois de plus parfaite. Celui qui a obtenu plusieurs fois le National Award pour la photographie de films tels que Dil Se… ou Halo, nous fait découvrir toute la beauté et l’urgence du Cachemire. Le montage est lui aussi très réussi. Il s’adapte selon l’humeur de la scène, il peut ainsi se révéler dynamique ou plus posé.
La musique signée Taufique Qureshi et Adnan Sami est tour à tour hypnotique, festive, spirituelle ou sombre. Elle s’adapte ainsi aux différentes ambiances de l’histoire. Le thème du film rend particulièrement bien.
Tahaan est un film rare, que ce soit dans le cinéma indien ou international. Il raconte une histoire simple et touchante, vous fait voyager, vous scotche par les prestations de son casting et ne lâchera pas vos pensées pendant de nombreuses semaines. Un vrai bijou à voir absolument !