Silsiilay
Traduction : Suite
Langue | Hindi |
Genre | Films sociaux |
Dir. Photo | Santosh Sivan |
Acteurs | Shah Rukh Khan, Tabu, Kay Kay Menon, Celina Jaitley, Jimmy Shergill, Rahul Bose, Divya Dutta, Riya Sen, Ashmit Patel |
Dir. Musical | Himesh Reshammiya |
Parolier | Sameer |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Kailash Kher, Sunidhi Chauhan, Sadhana Sargam, Alka Yagnik, Sonu Nigam, Alisha Chinai, Suzanne D’Mello, Kunal Ganjawala, Jolly Mukherjee, Jayesh Gandhi |
Producteur | Vashu Bhagnani |
Durée | 130 mn |
Silsiilay est un film qui utilise une trame connue et déjà utilisée au cinéma : l’histoire de trois couples à un moment critique de leur vie. Ou plutôt de trois femmes au sein d’un triangle amoureux.
Pour commencer et afin d’évacuer un sujet qui ne présente pas d’intérêt, un mot sur SRK dont la figure occupe une bonne partie de la jaquette du DVD. SRK est le narrateur et seulement ça. La première chose qui vient à l’esprit en le voyant à l’écran, c’est qu’on l’a embauché pour faire "monter" le niveau de l’affiche. D’ailleurs le prégénérique ne laisse pas de doute. Un beau panneau annonce la couleur : "Merci à SRK qui est toujours disponible". Bref, on nous refait le coup de l’affiche de Shakti avec Aich et SRK en gros alors qu’ils ne sont pas du tout les héros du film (surtout elle, qu’on ne voit que le temps d’une -excellente- chanson). Ca s’appelle le commerce.
Le susnommé SRK fait donc son boulot avec entrain et professionnalisme comme toujours mais je n’ai pas pu m’empêcher de le plaindre un peu de devoir jouer le pitre par moments. En tout cas, ce n’est pas sa prestation la plus marquante, même si ça fait toujours plaisir de le voir. Il intervient entre chaque histoire, y compris avec une idée pas spécialement élégante mais originale pour l’entracte.
Donc trois couples.
Le premier, dans l’ordre d’apparition, c’est celui formé par Zia (Bohmika Chawla) et Neel (Rahul Bose) avec Piya (Natassha) en perturbatrice. Zia et Neel se sont séparés sur un coup de tête. Lui s’est mis avec Piya mais n’a pas pu rompre la complicité profonde qui le lie à Zia.
Le second couple, c’est Anushka (Riya Sen) et Tarun (Jimmy Shergill) avec Nikhil (Ashmit Patel) entre les deux. Anushka aime (plus ou moins) Nikhil. Lui ne l’aime pas, ou plutôt il aimerait bien passer un bon moment avec elle. Tarun est fou d’elle.
Quant au troisième couple c’est Rehana (Tabu) et Anwar (Kay Kay Menon) et la tentation c’est Preeti (Celina Jaitley). Anwar a épousé en secondes noces Rehana mais il le regrette car il est amoureux de Preeti.
Le film va donc raconter successivement une tranche de vie critique de ces neufs personnages.
Les histoires, bien qu’inégales à mon sens, sont toutes intéressantes. Elles sont totalement indépendantes et on aurait pu faire un film avec chacune d’entre elles.
Le problème vient du fait qu’instinctivement, on se demande à quel moment elles vont converger. En effet, c’est la règle du genre : à moins d’avoir affaire à un film à sketches revendiqué (et encore, il y a souvent un fil conducteur dans les films à sketches), le spectateur cherche toujours l’élément commun et fédérateur. C’est même souvent le point culminant du film. La mise en place des dernières pièces du puzzle est un moment de jouissance intellectuelle et émotionnelle, comme par exemple dans Salaam-e-Ishq ou Yuva. Or, ici, il semble que ce soit le dernier souci de Khalid Mohamed. Le moment est bâclé et on se demande s’il a passé plus de 10 minutes à écrire cette chute. L’événement a la taille et la fonction d’un point final : indispensable mais déjà hors de l’histoire.
La où Nikhil Advani met sur le même niveau l’aspect puzzle et les histoires elles-mêmes, Khalid Mohamed adopte une tout autre approche. Ici pas de puzzle, pas d’emboîtement mais un millefeuille, des strates.
Incontestablement, ce qui l’intéresse ce sont les trois histoires en elles-mêmes. En regardant de plus près, on constate qu’il raconte la même histoire, certes sous trois angles différents, mais avec une charpente identique. A la base, les relations entre une femme et un homme. Ces relations sont compliquées par un troisième personnage (la maîtresse dans deux cas, l’amoureux transi dans l’autre). Jusque-là, rien de bien original. Là où Khalid Mohamed innove, c’est qu’il ajoute un quatrième personnage au trio. Pour Bhumilka Chawla, c’est sa soeur (la trop rare Divya Dutta). Pour Riya, c’est son amie libérée. Et pour Tabu c’est le fils de son mari, amoureux transi lui aussi et révolté par la conduite de son père.
Ce quatrième personnage a un rôle capital. On sait que pyaar, mohabbat et dosti sont les piliers de Bollywood. Ces éléments font partie de la vie, sont la vie et on les porte en soi comme on porte la mort dès sa naissance. Ce quatrième personnage, c’est le destin. Il échappe au contrôle de nos personnages. C’est le messager de la mort d’un monde, celui dans lequel vivaient les personnages pendant la première partie de leur histoire. La Mort du Septième Sceau de Bergman, celle contre laquelle on lutte mais avec, comme seul espoir, de reculer une échéance inéluctable. Dans Silsiilay, le destin est incarné dans ce quatrième personnage, qui est hors du triangle amoureux, qui a une vision extérieure et qui figure, en quelque sorte, le sommet d’un triangle devenu pyramide. Ce personnage capital pour le film va bouleverser le triangle traditionnel : la soeur de Zia va donner, sans que Zia le demande ni même le suggère, le DVD destructeur à Neel, l’amie d’Anushka va lui ouvrir les yeux en la poussant dans les bras de Nikhil, le beau-fils de Rehana va lui montrer en face la vérité du comportement de son père. Sans ce quatrième personnage, qui semble presque accessoire au début, l’histoire ne peut pas se terminer.
Alors la question qu’on peut légitimement se poser c’est de savoir pourquoi Khalid Mohamed a choisi cet angle d’attaque. Ses trois héroïnes sont belles et n’ont pas de soucis financiers. Que cherchent-elles ? Au-delà de l’amour, elles recherchent la même chose : l’affection et le respect. Des valeurs pas toujours présentes dans l’environnement féminin indien moderne. Cette recherche va les changer. Elles vont perdre leurs illusions et leur romantisme. Et leur évolution, une fois le déchirement de cette re-naissance surmonté, va les rendre plus fortes et plus sûres d’elles. Mais, en contrepartie, chacune finira seule. La subtilité de Khalid Mohamed tient, me semble-t-il, au fait qu’il avait la fin heureuse à portée de main. Qu’il pouvait réunir les vrais amoureux. Mais il choisit la liberté plutôt que la tradition bollywoodienne. Dans les trois cas, c’est la rupture avec ce qu’on aurait pu attendre d’un autre réalisateur. Il met en pratique la devise du violoniste Joseph Joachim : "Libre mais seul". Ces femmes se sont bien libérées de leurs entraves morales et psychologiques mais au prix d’une forme de solitude. La femme indienne moderne est née. D’où qu’elle vienne et quel que soit son statut. A chacun de voir si c’est une bonne ou une mauvaise chose.
Sous la forme d’une comédie, Khalid Mohamed brosse un tableau plutôt grave de la société indienne. On est loin du lyrisme et de la brillance des sujets de société d’un Karan Johar. Le traitement de l’image, sobre et distancié, de Santosh Sivan (qui avait écrit et réalisé quelques années avant Theeviravaathi : The Terrorist, déjà une histoire de femme sombre et réaliste) conforte cette ambiance.
La musique est, quant à elle, une bonne surprise. Bon, on n’est pas au niveau des mélodies de Madan Mohan et Sanjeev Kohli dans Veer Zaara, qui arrachent des larmes à chaque accord. Mais, pour une fois, Himesh Reshammiya arrive (parfois) à faire autre chose que du Himesh Reshammiya. Globalement les musiques sont mélodieuses et cadencent bien l’histoire. Mais on sent quand même que le réalisateur a sacrifié à la tradition musicale de Bollywood et qu’il s’en serait bien passé.
Il n’y a pas grand-chose à reprocher aux acteurs. J’ai été étonné par Riya Sen qui m’a semblé parfaitement dans la peau de son personnage. Mais la plus grosse surprise vient de Bhumika Chawla que j’ai toujours trouvée un peu potiche (dans Tere Naam par exemple). Ici, elle assume ce rôle de femme à la fois lucide, résignée et volontaire de façon magistrale. Quant à Tabu, elle a toujours autant de présence et de dignité. Jimmy Shrergill me laisse généralement un peu mal à l’aise mais ici, rien à dire. En fait, ce qui frappe dans cette distribution c’est l’homogénéité et la retenue de l’interprétation. Pas de cabotinage (à part SRK mais lui, il pourrait faire les pieds au mur avec le chapeau de Davy Crockett et des moonboots, ce serait un bonheur).
En résumé, ce film reste un bon moment, certes moins efficace qu’un Yuva par exemple (dans lequel le casting est d’une grande puissance) mais avec un vrai sens de la recherche et un traitement de qualité. Ceux qui n’auront pas vu Silsiilay pourront vivre sans, mais il me semble que ce film est une clé intéressante à ajouter au trousseau nécessaire pour entrouvrir la porte de la mentalité de la société indienne moderne.