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Les rôles marquants de Rajinikanth

Publié mercredi 9 janvier 2013
Dernière modification jeudi 3 juillet 2014
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Par Gandhi Tata

Ouvrez un livre d’histoire pour connaître le passé et regardez un film pour en appréhender les mœurs. Quand on est face à une carrière aussi riche que celle de Rajinikanth, qui s’étend sur pas moins de quatre décennies, la parcourir, est un voyage dans temps, pour voir l’évolution du cinéma tamoul. Ainsi, du néo-réalisme des années 70, en passant par l’avènement du masala de la période disco et l’ankylose artistique des années 90, celui qui est devenu la Superstar de Kollywood, se porte toujours comme un charme en ce début de 21ième siècle !


Rajinikanth est loin d’être la caricature du héros tamoul moustachu, habile au lancé de cigarette. C’est un acteur au talent immense, capable de capter l’attention du public par sa seule présence. Il a cette incroyable capacité à mettre son regard, sa gestuelle et son éloquence, au service de son personnage. Dès ses premiers pas au cinéma et durant ses premières minutes à l’écran, l’homme était fascinant et son jeu, à la fois, transcendant et naturel, était fait pour le cinéma social de la décennie 70. Du comédien sensible, les producteurs ne retiendront que le magnétisme pour en faire la Superstar du peuple. Cette métamorphose en vedette du divertissement, a fait le bonheur des masses populaires, orphelines de grandes stars comme M.G.R. ou Sivaji Ganesan, au crépuscule de leur vie cinématographique.


Heureusement, cette apogée sera ponctuée par quelques parenthèses et rencontres artistiques, qui donneront des œuvres à part dans sa filmographie. Faire un inventaire des temps forts de la carrière de Rajni, serait impossible, étant donné sa longévité dans l’industrie. Cependant, on peut dessiner en 10 rôles, le parcours qui a façonné son mythe.



1. Pandiyan dans Apporva Ragangal, en 1975


Pandiyan était un petit rôle pour Rajinikanth, mais sans l’ombre d’un doute, un grand pas en avant pour le cinéma tamoul. Nul ne pouvait se douter, le 18 août 1975, que cet acteur quasi anonyme et sombre de peau, allait s’adjuger les cœurs de millions de cinéphiles, dans les années à venir. Le mythe de Rajinikanth débute le jour même, où le cinéaste K.Balachandar (K.B.), le choisi pour jouer dans Apoorva Raagangal. A cette époque, la couleur de peau d’un comédien est un critère de beauté déterminant et avoir le teint sombre, n’aide pas vraiment. Nombre de professionnels du cinéma tamoul, ne cautionnent pas cette sélection, mais K.B. est alors, au sommet de sa carrière et personne ne peut contester ses choix artistiques. Rajinikanth est le pseudo donné par K.Balachandar à l’acteur, pour deux raisons. Premièrement, le plus grand acteur tamoul en activité à ce moment, se nomme Sivaji Ganesan et le véritable nom de Rajni se trouve être, Sivaji Rao Gaekwad. Étant donnée qu’il ne peut y avoir deux Sivaji dans une même industrie, le réalisateur pioche le prénom d’un de ses personnages du film, Major Chandrakanth, sorti en 1966. Enfin, Rajinikanth signifie couleur de la nuit, et en le baptisant ainsi, K.B. faisait un véritable pied de nez à ses détracteurs. Ce premier rôle au cinéma, est en réalité une première apparition, car le film compte déjà quatre personnages clés, autour desquels s’articule, une intrigue amoureuse compliqué. Le metteur en scène avait prévenu l’acteur, qu’il avait un petit rôle, à l’impact important, dans Apoorva Raagangal. L’arrivée de Pandiyan, va chambouler ce quartet, car il est le mari de l’héroïne Bhairavi, qui s’apprête à ce moment de l’histoire, à refaire sa vie avec un homme plus jeune. Ce personnage n’est pas un antagoniste, mais un homme repenti et mourant, qui cherche le pardon, de celle qu’il a abandonné. C’est avec beaucoup de retenu que Rajni s’approprie Pandiyan, et dresse le portrait d’un conjoint voulant le bonheur de sa femme. Ses méfaits sont suggérés, mais la subtile interprétation de Rajinikanth, nous informe parfaitement sur sa culpabilité et son désir de rédemption. Pour sa première apparition, il entre en scène, en poussant les portails d’une maison. Anodine à l’époque, mais lourde de sens aujourd’hui, avec Apoorva Raagangal, Rajni avait fait une entrée remarquée et remarquable dès son premier film et ces portails étaient bien ceux de Kollywood.




2. Prasath dans Moondru Mudichu, en 1976


Bien qu’il ait débuté sa carrière avec Apoorva Raagangal en 1975, c’est l’année 1976 et Moondru Mudichu qui apportèrent la reconnaissance tant attendue à la future Superstar. Dirigé par son mentor, K.Balachandar, il partage la distribution avec Kamal Hassan et Sridevi, dans ce qu’on appelait à l’époque, le trio magique. Prasath est le personnage central de ce drame aux allures de thriller psychologique. Rajni interprète le rôle d’un fils de riche pourri et parfois abject avec son ami qui est issu d’un milieu beaucoup plus modeste. L’acteur fait un travail remarquable sur la noirceur du personnage et cela ne se limite pas aux mimiques, mais à sa présence inquiétante, surtout lorsqu’il menace sexuellement ses victimes. C’est LE film qui a révélé Rajinikanth en méchant impitoyable, il traînera cette image pendant quelques films, mais cela ne l’empêchera pas d’évoluer et de conquérir le public tamoul.




3. Kaali dans Mullum Malarum, en 1978


Après K.Balachandar et S.P.Muthuraman, J.Mahendran est surement le réalisateur qui ait le mieux exploité le jeu dramatique et la corde sensible de Rajinikanth. Il lui offre en 1978, un rôle en or, dans Mullum Malarum (l’épine et la fleur), un drame social suivant le destin de deux orphelins livrés à eux-mêmes. Rajinikanth est Kaali, un homme dur, au caractère bien trempé, mais dont l’amour fraternel, le rend profondément humain. Kaali est à mon sens, son plus beau rôle, car son interprétation est dénué de tout stéréotype et Rajini est saisissant dans sa lecture de ce personnage de antihéros fauché par la vie. Il est impressionnant de justesse, jusque dans son regard tantôt agressif et désarmant selon les situations. Kaali est mémorable, dans sa filmographie, mais aussi dans cette période néo-réaliste et sociale du cinéma tamoul.




4. Santhanam dans Aarilirunthu Aruvathu Varai, en 1979


La première partie de la carrière de Rajinikanth est de loin la plus intéressante pour les cinéphiles, car riche en films sociaux et dramatiques. Aarilirunthu Aruvathu Varai (De 6 à 60ans) sorti en 1979 est un exemple probant, car il offre à l’acteur, l’occasion d’incarner le personnage de Santhanam à différents stades de sa vie. On y voit donc, vieillir le protagoniste principal, mais on assiste aussi à sa lente déchéance au profit de sa famille qui n’hésite pas à le piétiner pour réussir. Ce film est criant de réalisme car il décrit assez bien les tourments d’un homme de la classe moyenne qui essaye de joindre les bouts et de réaliser les rêves de ses proches. Rajinikanth est formidable, son interprétation est grave mais jamais misérabiliste.




5. Billa et Raju dans Billa, en 1980


1980 est l’année de naissance d’une star, pas n’importe laquelle, la Superstar ! Avec Billa, Rajinikanth décide de passer à autre chose, un cinéma plus commercial et à la définition de l’archétype du héros tamoul des eighties ! Si cette nouvelle étape est réjouissante pour les fans de l’icône populaire, c’est aussi une triste année à marquer d’une pierre tombale pour les cinéphiles, définitivement orphelin d’un grand acteur. Car en tournant le dos au cinéma social et néo-réaliste, Rajini s’enferme définitivement dans la prison dorée du culte de la Superstar. Bien sur, quelques réalisateurs de talents parviendront à en faire sauter les verrous, mais seulement le temps d’un film. En attendant, les fans ont droit à un festival de classe et de style avec Billa. Rajinikanth y crève littéralement l’écran et sa présence est tout simplement électrique ! On peut même se risquer à dire que Rajini y est plus convaincant que Amitabh Bachchan dans l’original, Don, car l’acteur y aborde le double rôle de Billa/Raju avec plus de contraste. Billa y est aussi cruel que son homologue hindi, Don, mais là où Big B était sinistre, Rajini est énigmatique au point de fasciner. C’est l’un des premiers films où l’acteur joue de son pouvoir de séduction sur l’ensemble du public. Car si la gente masculine en quête d’un modèle de puissance, peut s’extasier devant Billa, le public familial n’est pas négligé et Raju a tout pour les satisfaire, de part son innocence et son côté comique.




6. Chandran et Indran dans Thillu Mullu, en 1981


La fibre comique de Rajni, partiellement entrevue dans Billa, avait énormément séduit le public familial. Et si la Superstar du masala d’action, s’essayait à la comédie ? Cette idée qui pouvait paraitre incongrue en plein essor du cinéma commercial, a germé dans la tête de K.Balachandar. Ça tombe bien, puisque c’est le mentor de Rajinikanth et ce dernier, ne peut rien lui refuser. C’est ainsi que Thillu Mullu voit le jour, avec l’acteur dans un double rôle, à contre-emploi. Rajni est dans un premier temps, Chandran, un jeune homme insouciant qui décroche un emploi en se faisant passer pour le candidat idéal, un garçon pieux, respectueux des ainés et portant la moustache. Boulot en poche, Chandran pense avoir dupé son patron pour de bon. Mais le jour, où il est découvert, Chandran s’invente un faux frère jumeaux, nommé Indran. Débute alors une double vie intenable, qui donnera lieu à de nombreux quiproquos. Casser son image, est un très gros risque à prendre, surtout lorsqu’on est une star établie comme Rajni. Mais là où n’importe qui, aurait préféré consolider son statut, en la jouant prudent, Rajinikanth avait pensé à la suite. Thillu Mullu lui a permis de s’attirer les faveurs du public familial et d’ajouter une corde supplémentaire à son arc. Lorsque la mode des films d’action violents déclinera à la fin des années 80, la Superstar s’improvisera avec succès en héros de comédies d’action. Avec ce double personnage de Chandran/Indran, Rajni pose les bases de son jeu comique fait de spontanéité et d’un incroyable flair, dans les situations amusantes. De plus, ses célèbres mimiques et autres grimaces, font beaucoup rire les enfants. Là aussi, la Superstar fait une belle opération, en séduisant le jeune public qui le suivra pour les nombreuses années à venir.




7. Alex Pandian dans Moondru Mugam, en 1982


Dans une carrière d’acteur à Kollywood, le rôle de flic est un passage quasi obligé. D’une part, pour la part d’héroïsme que ce genre de personnage peut offrir et d’autre part, une Superstar se doit de montrer l’exemple et faire triompher la justice devant ses fans ! Dans l’histoire du cinéma tamoul, chaque acteur a tenté de personnifier le policier intègre, à sa manière, mais Rajinikanth, l’a fait avec un aplomb qui a marqué toute une génération. Dans Moondru Mugam (les trois visages) sorti en 1982, le personnage d’Alex Pandian n’est évoqué qu’en flashback et sa présence, est brève à l’écran. Cependant, des trois rôles qu’il interprète dans cette comédie d’action, c’est celui de ce flic incorruptible, qui retient l’attention et contribue à son succès au BOX OFFICE. D’habitude, les flics de cinéma sont honnêtes et consciencieux, mais ici, la Superstar a su doubler ces clichés, d’une bonne dose d’orgueil et de classe. Alex Pandian est sûr de lui, ses méthodes sont violentes et son sens du devoir, le conduira a l’ultime sacrifice. Mais qu’importe l’adversaire, sa cigarette volante et l’arrogance avec laquelle, il l’écrase (l’ennemi bien sûr !), ont fait d’Alex Pandian un personnage inoubliable et emblématique.




8. Vengadanathan/Raghavendra Swami dans Sri Raghavendra, en 1985


Pour son 100ième film, Rajinikanth décide de porter à l’écran, le destin d’un saint hindou, ayant vécu au 17ièm siècle dans le sud de l’Inde. L’acteur qui est un fervent dévot de Raghavendra Swami, sollicite son mentor K.Balachandar à la production de ce biopic et S.P. Muthuraman derrière la caméra. La Superstar est capable de s’effacer au profit du script et il le prouve dans Sri Raghavendra, alors qu’il est à l’apogée de sa gloire. C’est une complète métamorphose, que Rajni opère, pour se glisser dans la peau de Vengadanathan, un garçon timide et réservé qui traversera d’importantes épreuves avant d’atteindre l’illumination et devenir Raghavendra Swami. C’est une performance inspirée que Rajinikanth nous livre dans ce film. Il parvient à déconstruire son image de Superstar pour être habité d’une forme de mysticisme communicatif. C’est simple, on oublie littéralement Rajinikanth, pour ne voir que Vengadanathan, le futur Raghavendra Swami. Sri Raghavendra fut une œuvre déroutante pour la plupart de ses fans, qui n’ont pas suivi, cette parenthèse spirituelle. Mais malgré l’échec, ce film reste incontournable pour la présence d’un Rajni irréprochable à l’écran. En portant ce projet à bout de bras, il a prouvé qu’il était d’une part, fidèle à ses convictions, et d’autre part, un très grand acteur.




9. Surya dans Thalapathi, en 1991


Le rôle de Surya est l’une des parenthèses d’acteur dans sa période Superstar. Abandonné à la naissance, Surya grandi dans un bidonville, pour devenir un jeune homme rebelle et courageux. Son audace, lui vaudra l’amitié d’un parrain de la mafia locale et le mettra du mauvais côté de la loi. Néanmoins, lorsqu’il apprend l’identité de sa mère, Surya se voit contraint de choisir entre l’amité et l’amour maternel. Inspiré de l’épopée du Mahabharata, Thalapathi est un polar signé Mani Ratnam. La rencontre entre ce dernier et Rajni, était attendue, surtout après le rôle en or qu’il avait offert à Kamal Hassan dans Nayakan. Tout le monde s’attendait alors, à un film similaire, avec une intrigue mafieuse. Mais Mani Ratnam eu l’idée géniale, de transposer un récit épique à notre époque, sur fond de guerre des gangs et d’opération policière. Rajni est extraordinaire dans le rôle de Surya. Il n’y a pas de répliques fleuves ou de tirades interminables, tout est dans le jeu et le regard. L’acteur ressuscite à cette occasion, une facette de son talent, que l’on croyait avoir perdu à jamais. Il partage l’affiche avec un autre monstre sacré du cinéma indien, Mammootty, et dans leurs scènes communes, les deux acteurs sont incroyablement complémentaires. Thalapathi est incontestablement, le dernier grand rôle de Rajinikanth en date.




10. Manikkam et Manick Basha dans Baashha, en 1995



Même si Muthu, sorti la même année, lui apportera une certaine renommée internationale et notamment au Japon, c’est bien Baashha qui reste son plus gros succès des années 90. Bien qu’il soit l’archétype ultime du masala et un immense triomphe au BOX OFFICE, ce que l’on retient de ce film, est l’étonnant rôle de Manikkam, un homme paisible et travailleur, qui dissimule une face cachée, aux antipodes de sa personnalité bienveillante. Nous sommes bien dans un film de mafieux, avec les tranches de bravoures et les règlements de comptes qui vont avec, mais dans cette débauche de clichés, Rajni arrive à insuffler de la sensibilité, en composant un personnage torturé. Manikkam est tiraillé entre les démons du passé et son désir de paix, pour assurer une vie calme à sa famille. L’homme est comme une bombe à retardement, qui fait tout son possible pour ne pas laisser éclater toute la violence, qu’il a enfouit en lui. La Superstar donne toute la mesure de son talent en livrant un jeu, à la fois mesuré et puissant. Manick Basha est un des personnages phares des polars des année 90.


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