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La nuit de l’indigo et autres nouvelles

Publié jeudi 2 mai 2013
Dernière modification lundi 17 juin 2013
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Par Didi

Rubrique Littérature
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GIFC’est une longue relation que la France entretient avec le cinéaste bengali, Satyajit Ray. En effet, c’est grâce à la France, ou plutôt grâce à un Français, Jean Renoir, réalisateur aussi de profession et venu à Calculta pour tourner son film, Le Fleuve, que l’héritier d’une famille d’intellectuels bengalis, plutôt versée dans l’écriture, prend la décision de faire du cinéma. On connaît la suite… Pather Panchali (La complainte du sentier), la consécration à Cannes, puis à Berlin et cette longue carrière sur près de 50 ans qui comprend trente-six films, documentaires et courts-métrages.

Si le spectateur français a plébiscité l’œuvre cinématographique du maître bengali — il n’est pas rare, aujourd’hui encore, de voir des rétrospectives et autres hommages à Satyajit Ray proposant la rediffusion de l’un de ses longs ou courts métrages —, le lecteur francophone est moins familier avec son œuvre littéraire qui lui est difficilement accessible. Pourtant, il a écrit plus d’une centaine de nouvelles, la plupart en anglais.

Les éditions Belles Lettres, en publiant un recueil de onze nouvelles traduites de l’anglais, sous le titre La nuit de l’indigo, ont donc décidé de réparer cet oubli ou lacune. La quatrième de couverture de cette édition affirme d’ailleurs fièrement « Parallèlement à son œuvre de cinéaste, Ray a publié des centaines de nouvelles. Elles n’avaient jamais été traduites en français ». Et l’on croit donc avoir en main, en feuilletant l’édition, un ouvrage complètement inédit. Las, c’était sans compter sur la mémoire numérique d’Internet…

En fouillant le net à la recherche d’une photo de la couverture de l’édition 2012, je suis, en effet, tombée sur une autre édition, bien antérieure certes. Je pousse un peu mes recherches — oh, pas bien loin, car ce n’est quand même pas une affaire insoluble ! — et je constate que la collection 10/18 avait publié, en 1990, onze nouvelles de Satyajit Ray, sous le titre de La nuit de l’indigo, les mêmes que l’on nous présente aujourd’hui comme inédites ! Il est vrai que l’édition était épuisée et qu’il n’y avait pas eu de nouveau tirage depuis…

Pourquoi tous ces préliminaires, me direz-vous. Tout simplement pour remettre les pendules à l’heure — pourquoi vendre une édition comme inédite, si ce n’est pas le cas — et pour allonger un peu cet article. Oui, l’honnêteté ne fait pas de mal et toute vérité est parfois bonne à dire (je me prends pour Alceste, parfois). Et parce que résumer des nouvelles est un exercice périlleux : comment en dire suffisamment sans dévoiler l’histoire, alors que par définition nous avons affaire à un bref récit ? J’ai pris parti de ne pas le faire.

Onze nouvelles donc, toutes diverses et variées. Certaines sont fantastiques (« Khagam », « Gros Bec », « La nuit de l’indigo », « Le duel », entre autres) : on y croise des revenants, des espèces disparues — et ce bien avant Jurassic parc — ou des serpents non pas persiffleurs, mais apprivoisés par un sâdhu — un ascète hindou. Ce fantastique a parfois une forte coloration indienne comme « La nuit de l’indigo » où il est question de réincarnation et de dédoublement de personnalité.

D’autres sont plus réalistes, comme « Patol Babu star de cinéma » où un vieil acteur, retraité contraint par l’évolution du cinéma, se voit offrir un petit rôle…

Trois nouvelles sont dans une veine plus « science fiction » avec le personnage récurrent du professeur Shonku. Elles ont un charme un peu désuet, car ce personnage ne se déplace jamais sans ses pilules nutritives et part au Tibet à la recherche de licornes, animal plus familier du bestiaire médiéval que futuriste.

J’ai particulièrement apprécié les nouvelles mettant en scène des animaux comme « Khagam », « Le chien d’Ashamanja Babu » et bien entendu « Corvus », ma préférée — j’ai un faible pour les corneilles. Ces animaux ne sont pas doués de parole, car Satyajit Ray ne prétend pas écrire de fable ou réécrire Le livre de la jungle. En revanche, ils sont doués d’intelligence, laquelle fait apparaître, en bien des occasions, les tares des humains, avarice et cupidité étant celles que l’auteur abhorre le plus visiblement.

En lisant les nouvelles, on retrouve certaines qualités qui caractérisaient déjà le style du maître bengali à l’écran : le don d’observation d’une société en mutation qui doit gérer la cohabitation, parfois problématique ou présentée comme telle, du passé et du présent ou de la tradition et de la modernité, la redoutable efficacité dans le récit, le tout saupoudré de fantaisie. Et c’est sans peine que l’on reconnaît l’auteur de Sadgati, Joi Baba Felunath ou Nayak, pour ne citer que quelques films. C’est d’ailleurs l’un des plaisirs que l’on tire de cette lecture de La nuit de l’indigo, que je vous recommande chaudement même si vous n’êtes pas familier de l’univers de ce bengali universel qu’est Satyajit Ray et dont nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire de la naissance, il y a 92 ans.

Fiche technique :

La nuit de l’indigo et autres nouvelles, Satyajit Ray, Eric Chédaille (traducteur)
Editeur : Belles Lettres
Date de publication : août 2012
Support : Livre broché
Nombre de pages : 256 p.
ISBN-10 2-251-21001-6

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