Kurbaan
Traduction : Sacrifice
Langue | Hindi |
Genre | Polar |
Dir. Photo | Hemant Chaturvedi |
Acteurs | Saif Ali Khan, Om Puri, Kareena Kapoor, Vivek Oberoi, Dia Mirza, Kiron Kher |
Dir. Musical | Salim-Suleiman |
Paroliers | Niranjan Iyengar, Irfan Siddique |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Kailash Kher, Vishal Dadlani, Sukhwinder Singh, Sonu Nigam, Salim Merchant, Shruti Pathak, Marianne D’Cruz |
Producteurs | Karan Johar, Hiroo Yash Johar |
Durée | 161 mn |
A l’affiche de Kurbaan (rien à voir avec le Kurbaan de 1991) : Kareena Kapoor et Saif Ali Khan, Om Puri, Vivek Oberoi, Kiron Kher. Une bien belle distribution. Côté histoire c’est Karan Johar qui tient la plume. Par conséquent, rien que du bonheur en perspective.
Avantika Ahuja (Kareena), qui enseigne habituellement la psychologie aux USA, est provisoirement à Delhi. Ehsaan Khan (Saif) est prof dans une université indienne. Ils se rencontrent. Il ne l’intéresse pas. Mais on ne résiste pas à Saif. Il s’accroche et, rapidement, c’est le grand amour. Un jour, on demande à Avantika de rentrer aux USA. A l’idée d’une séparation elle est déchirée. Mais le beau Saif, avec abnégation, se propose de renoncer à son poste en Inde pour l’accompagner au pays des hamburgers et de la Budweiser. Belle preuve d’amour !
Le père d’Avantika voit d’un mauvais œil un musulman tourner autour de sa fille. Mais la fantastique technique de séduction de Saif agit et ils se marient. Voici donc nos deux pigeons voyageurs qui débarquent en Amérique. Quel beau pays ! C’est merveilleux. Tout leur réussit : grâce à elle, il se fait embaucher comme prof, spécialiste de l’islam dans la même université qu’elle. Que manque-t-il à leur bonheur ? Une maison ? Pas de problème. Ils en trouvent une superbe par hasard. Qui plus est dans un quartier indien. Pas indien, style bidonville Dharavi, non, indien style lotissement middle class US.
Tout est en place pour une magnifique romance et, puisqu’on est en Amérique, seuls manquent les violons de Love Story (ou de Kal Ho Naa Ho pour nous autres bollyfans).
Sauf que…
A ce stade de l’histoire, je suis bien embêté. D’un côté je ne voudrais pas déflorer le sujet pour ceux qui décideront de voir le film. D’un autre côté, vous comprenez bien que cette introduction idyllique ne présage rien de bon. Mais difficile de ne pas en dire un minimum. Saif et Kareena vont être les héros d’une histoire de terroristes (musulmans comme il se doit, car aux USA on ne fabrique que du terroriste musulman) et de traîtres.
Autant vous le dire tout de suite, en voyant Kurbaan j’ai été déçu. Le film se laisse regarder mais il m’a laissé un sentiment de gâchis. Un excellent scénariste et des acteurs de qualité, ça devrait faire un bon film. Ici, ce n’est pas le cas.
Prenons l’histoire, Karan Johar ne nous épargne aucune banalité : les gentils hindous, les méchants musulmans, les gentils qui sont méchants mais qui montreront qu’ils sont quand même un peu gentils. Un tableau en deux dimensions, bien manichéen. Hélas, à la différence de ses autres films "made in Karan", il manque la troisième dimension : la profondeur. Les personnages sont manifestement sous-travaillés. Les caractères sont basiques. Pas l’ombre d’une subtilité, d’une surprise. Comment dire ? On croirait voir la 100ème photocopie de photocopie des personnages d’un téléfilm américain. Habituellement, Karan est un créateur d’émotion, doté d’une belle sensibilité. Dans Kurbaan, il semble avoir été anesthésié, on n’arrive pas un instant à s’attacher aux personnages. On les voit… comme dans un film.
S’inscrivant dans une tradition de film d’action, priorité absolue est donnée au suspense : les méchants seront-ils rattrapés à temps ? Voilà la question essentielle. L’introduction de la religion dans l’histoire n’apporte strictement rien à part une énième vision réprobatrice du fanatisme et on aurait pu remplacer l’islam par l’appât du gain, la soif de pouvoir ou la recherche du doubitchou sacré sans que ça change quoi que ce soit à l’histoire. La disparition du fond au profit unique du suspense génère un film scotché au premier niveau.
Ce n’est pas tellement la façon de traiter l’histoire qui est en cause. Il y a de nombreux exemples de films d’action pure réussis. Encore faut-il avoir un réalisateur à poigne, qui réussisse à insuffler de l’énergie ou une tension dramatique. Renzil D’Silva, le réalisateur, n’y arrive pas, sauf peut-être en fin de film avec des ficelles grosses comme des amarres de paquebot et de bons artificiers. Pourtant, même si c’est son premier film comme réalisateur, ce n’est pas un nouveau venu. Il a déjà à son actif les scénarios de Luck et de Rang De Basanti. Hélas, dans Kurbaan, il semble traîner son histoire comme un boulet.
Quand tout tombe à plat, il reste la narration. Là aussi c’est le degré zéro de l’originalité. Tellement prévisible… Exemple au hasard, la première scène, la rencontre entre les héros à la recherche d’un taxi. Elle donne déjà les clés de l’histoire. Ce pourrait être une belle mise en bouche si c’était fait avec finesse. Mais pas du tout. C’est du lourd. Regardez-la et vous saurez tout des personnages.
Pour résumer, l’histoire est banale, filmée sans enthousiasme, les personnages sont fades et le réalisateur avance dans son scénario avec la légèreté du marcheur sans raquettes dans 1 mètre de poudreuse.
Ah, oui, j’oubliais. Inutile de chercher la moindre petite chorégraphie. Désert total de ce côté.
Alors, n’y a-t-il donc rien de positif dans Kurbaan ?
Mais si. Quand même. Un peu. Il y a les acteurs. Ce sont eux qui évitent le naufrage total. Outre le regard en amande de Saif qui fait fondre certains tendres cœurs féminins de Fanta (si, si, je le sais, j’ai des noms) on a de bons professionnels à l’œuvre. On ne peut rien leur reprocher. Ils jouent leur rôle avec efficacité. Alors que Saif, Kareena et Om Puri sont égaux à eux-mêmes, Kiron Kher nous fait un numéro un peu plus travaillé et surtout à contre-emploi de ses rôles de mère affectueuse et possessive. C’est peut-être elle la seule surprise (malgré tout téléphonée) du film. Vivek Oberoi assure comme toujours avec vigueur et conviction son second rôle et Diya Mirza fait un passage-éclair mais réussi. Reste que le sentiment global qui se dégage d’eux, c’est l’ennui. Tous les participants semblent avoir rapidement compris que ce film n’apporterait rien et ils assurent, avec professionnalisme, le service minimum. Cette -relative- qualité du jeu d’acteur malgré le manque d’entrain est d’autant plus triste à voir qu’elle donne une idée de ce qu’aurait pu être le film si l’histoire et les personnages avaient été plus fouillés.
A noter que Rupinder Nagra, l’acteur d’origine canadienne qui s’était illustré dans le rôle-titre du superbe Amal, participe à cette aventure. Pour l’anecdote, il a accepté le rôle principalement pour pouvoir jouer avec Om Puri qui reste une des valeurs sûres de Bollywood.
Au final, pourquoi une équipe de qualité comme celle qui anime le film produit-elle un aussi piètre résultat ? Il me semble que cela tient essentiellement au scénario, qui plombe dès le départ toute tentative pour sortir des sentiers battus. C’est d’autant plus gênant de la part de Karan Johar que ce n’est pas son habitude.
Ce scénario a les bobines entre deux chaises, si l’on peut dire. C’est une sorte de compilation mal arrangée de New York (qui offre avec John Abraham un personnage attachant et complexe), de Fanaa (avec son double jeu dans lequel on rentre malgré ses grosses ficelles par la grâce du réalisateur et des acteurs) et de Arlington Road (avec Jeff Bridges et Tim Robbins, pour son côté complot social).
A l’inverse de chacun de ces films qui, dans leur genre, savent manipuler et intéresser le spectateur, on a, avec Kurbaan, un loupé de première. A trop vouloir réutiliser des recettes éculées, on risque la lassitude. Sauf à être un inconditionnel de Kareena, Saif ou d’un autre inscrit au générique, on oubliera rapidement le film en se disant que ça ferait un téléfilm regardable.
Reste une question. Pourquoi Karan Johar a-t-il cru bon de s’investir dans cette histoire ? Pour la première fois un de ses scénarios donne une impression de travail bâclé. Si l’on regarde ses dernières activités, on remarque une tendance au touche-à-tout : réalisation, scénarios, dessins animés. Son glissement vers l’Amérique, amorcé depuis un moment, pouvait sembler justifié jusqu’à présent par le côté sociétal de ses sujets, trop polémiques pour l’Inde et plus tolérables localisés à l’étranger. Avec Kurbaan, il franchit une étape supplémentaire vers l’américanisation en perdant toute indianité. Est-ce un pas de trop ? Ou plutôt, est-ce un pas volontaire ou une erreur ?
On peut croire ou pas aux symboles. Tous les titres des scénarios de Karan commencent par un K. Son prochain se nomme Love You Ma. De là à penser que Karan Johar est en train de tourner une page…
Note : 5/10 - Pas indispensable. Si vous ne le voyez pas, vous vous en remettrez.