Katrathu Tamizh
Traduction : J'ai appris le tamoul
Langue | Tamoul |
Genre | Drame |
Dir. Photo | S. R. Kathiir |
Acteurs | Jiiva, Karunas, Anjali, Azhagam Perumal |
Dir. Musical | Yuvan Shankar Raja |
Parolier | Na. Muthukumar |
Chanteurs | Shankar Mahadevan, Yuvan Shankar Raja, Rahul Nambiar, Maestro Ilaiyaraaja |
Producteurs | Salmara Mohammad Sharief, N. Shivaprasad |
Durée | 147 mn |
Force est de constater que le leitmotiv à la mode ces derniers mois afin d’inciter les spectateurs à se déplacer en masse dans les salles du Tamil Nadu est l’utilisation du qualificatif "différent" pour chaque production. Vous avez tous lu "… promet d’être différent" ou encore "… est un souffle de fraîcheur dans l’industrie"*, mais combien de films ont tenu leurs promesses ?
Katrathu Tamizh, sans avoir jamais promis monts et merveilles, est enfin le bon film que l’on attendait, le retour du néo-réalisme dépressif qui nous plaît tant !
Prabhakar a poursuivi des études de tamoul, le menant logiquement à la carrière d’enseignant, lui offrant une occasion de transmettre l’amour de sa langue à ses élèves. Un jour, pour une raison aussi triviale qu’injuste, il se fait arrêter par la police. De là, toute la vie de Prabhakar bascule, alors qu’il entre dans un véritable cercle vicieux. De fil en aiguille, ses mésaventures lui font perdre la tête et il se marginalise, jusqu’à ce qu’il décide de raconter sa vie à un journaliste un peu trop opportuniste…
Si l’on serait en droit d’attendre un flash-back misérabiliste sur l’enfance pauvre et difficile de Prabhakar, il n’en est finalement rien. Le réalisateur dépeint un enfant heureux, entouré de sa famille et de sa meilleure amie/amour de jeunesse Anandhi, que les épreuves de la vie ont rendu timide et mélancolique. Peu à peu, cet enfant marqué par la mort brutale de sa mère se reconstruit puis perd à nouveau ses repères lorsque son mentor décède à son tour. Son adolescence et sa vie de jeune adulte sont marquées par la recherche incessante d’Anandhi et son intérêt très peu compris pour sa langue maternelle.
Puis arrivent ces événements aussi incontrôlables qu’injustes, qui le plongent dans une spirale dont il aura du mal à se relever et qui lui font comprendre l’ampleur des problèmes de l’Inde moderne, d’une façon si brutale et rapide qu’il en perd ses moyens, et passe de l’autre côté de la légalité, pour simplement survivre.
Ram signe ici son premier film, mais il est difficile de croire que Katrathu Tamizh (dont le titre prévu à l’origine était Tamil MA) est l’œuvre d’un débutant, tant la réalisation et le propos sont maîtrisés. S’il peut laisser perplexe quelquefois par sa déferlante d’émotions et sa violence, les premières paroles du film posent clairement la problématique. Comment, dans la société indienne actuelle telle que la quête incessante de l’argent et la corruption l’ont façonnée, un homme qui a simplement décidé d’étudier le tamoul par passion pourrait survivre, tant financièrement que socialement ? Ram pointe du doigt, de façon extrême cela va sans dire, la décadence d’une société qui ne reconnaît son élite que dans les redoutables hommes d‘affaires ou les scientifiques… Est-ce qu’un Indien éduqué, pour vivre correctement dans son pays, doit nécessairement sacrifier ses passions pour se tourner vers les métiers techniques qui rapportent ? Qu’en est-il de l’enseignement, les professeurs obtiennent-ils tout le respect qu’ils devraient avoir ? Leur place dans la société est-elle celle qu’elle devrait être (il est intéressant de constater que le débat peut tout à fait s’étendre dans nos sociétés occidentales, surtout en ce moment) ?
Epaulé par une musique de Yuvan Shankar Raja parfaite, présente sans être étouffante, sans rythmes déplacés, par une photographie d’une beauté à couper le souffle souvent, Katrathu Tamizh est avant tout une réussite grâce à un acteur des plus talentueux, que l’on voit assez peu finalement, le jeune Jeeva. S’il avait déjà fait preuve d’une maturité incroyable dans le film Raam, il confirme ici tout le bien que l’on peut penser de lui. Il interprète un homme qui change complètement, tant moralement que physiquement, avec une aisance et une sincérité déconcertantes. Si Prabhakar est si touchant, c’est qu’il a le regard de Jeeva, absolument habité par son propos. Le film est presque auto-centré sur le personnage masculin, mais quelques bouffées d’air féminin viennent souffler sur la production, en la personne d’ Anjali, une nouvelle venue dans le cinéma qui, espérons-le, continuera sur sa lancée.
Un film difficile, mais une critique très intéressante, et abordée d’un point de vue original, des dérives de la société moderne, de la société de consommation, et de l’Inde d’aujourd’hui.
*(remplacez les pointillés par le titre de film de votre choix)