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Hum Aapke Hain Koun… !

Traduction : Qui suis-je pour toi ?

Bande originale

Didi Tera Devar Deewana
Maye Ni Maye
Mausam Ka Jaadu
Chocolate Lime Juice
Joote Do, Paise Lo
Pehla Pehla Pyar
Dhiktana (Part 1)
Babul
Mujhse Juda Hokar
Samdhi Samdhan
Hum Aapke Hain Koun
Wah Wah Ramji
Lo Chali Main
Dhiktana (Part 2)

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La critique de Fantastikindia

Par Madhurifan - le 4 juin 2009

Note :
(9.5/10)

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1993, 1994 et 1995 sont des années marquantes pour le cinéma indien. Elles voient fleurir de très gros succès comme Aankhen (1993), Dilwale Dulhania Le Jayenge et Karan Arjun (1995). Au milieu de ces œuvres, trône un joyau à l’éclat particulier, Hum Aapke Hain Koun. Un film que tout amateur de film indien identifie uniquement à ses initiales : HAHK

Avant tout, quelques repères pour bien réaliser le phénomène que représente Hum Aapke Hain Koun. En Inde, ce film a été joué pendant presque un an d’affilée dans 52 cinémas et il a même tenu 2 ans dans 4 autres salles. Il a collecté 5 filmfare awards et 6 Screen Awards, dont ceux du meilleur film, de la meilleure actrice et du meilleur réalisateur. HAHK a également été un hit en telugu (sous le titre Premalayam) et en tamoul (sous le titre Ambblayam). Un succès peut-être encore plus surprenant à l’étranger (raccourci à 1 h 48 et intitulé Yours Forever) car c’est le premier film indien à avoir été projeté dans les grands circuits de distribution aux USA, au Royaume-Uni et au Canada.

Bref une diffusion et un succès exceptionnels.

Et pourtant, résumer HAHK n’est ni long ni compliqué : c’est l’histoire d’un mariage arrangé entre Rajesh (Mohnish Bahl) et Pooja (Renuka Shahane), les enfants de deux familles amies et aisées, Kailashnath (Alok Nath) et les Choudhury (Anupam Kher et Reema Lagoo). Le frère du marié, Prem (Salman Khan) et la soeur de la mariée Nisha (Madhuri Dixit), tombent amoureux l’un de l’autre et se préparent en secret à annoncer leur mariage à leur famille. Insouciance, bonheur, musique et joie de vivre sont au programme jusqu’à ce qu’un drame (qui arrive au bout de 2 h 50 tout de même) rebatte les cartes. Après quelques larmes, tout finira bien. Normal c’est un film Barjatya !

Cette (quasi-)absence de péripéties s’étend sur 3 h 26, soit un poil moins que Lagaan - 3 h 44 - mais sans tricher avec une partie de cricket à rallonge ! On reste quand même encore loin du record de (l’ennuyeux) LOC : Kargil qui dure 4 h 15.

On comprendra en lisant ce résumé que ce n’est pas dans la complexité du scénario qu’il faut chercher l’origine du succès phénoménal de ce film qui a même réussi l’exploit de battre Dilwale Dulhania Le Jayenge (il a rapporté plus d’un milliard de roupies) et qui se classe au quatrième rang de toute l’histoire du cinéma indien.

Il faut plutôt regarder du "familial". Familial à la fois par son histoire, par ses concepteurs et par les codes utilisés. En fait, HAHK est probablement LE film familial de l’histoire du cinéma indien à ce jour, le successeur de Mother India (Mehboob Khan - 1957) en tant que représentant des valeurs fondamentales de l’Inde traditionnelle. La famille c’est le créneau du clan Barjatya. Au passage, on notera la différence de traitement avec le plus moderne La Famille Indienne de Karan Johar qui traite lui aussi de la famille.

Petit-fils de Tarachand Barjatya, fondateur de la société de production Rajshri, Sooraj Barjatya baigne dans le cinéma depuis l’enfance. Il commence sa carrière à l’âge de 19 ans comme assistant-réalisateur de Mahesh Bhatt sur Saaransh (produit par Rajshri). Il réalise son premier film, Maine Pyar Kiya, à 23 ans. Une occasion de constituer sa famille cinématographique. En effet, outre Alok Nath, on trouve Salman Khan, Reema Lagoo et Mohnish Bahl qui seront tous de l’aventure HAHK. Maine Pyar Kiya obtiendra 4 awards et sera nominé 2 fois. Le tremplin idéal pour HAHK qui sort en 1994 et dont Sooraj est à la fois le scénariste, le producteur et le réalisateur.

L’accouchement de HAHK n’est pas simple. Après le succès de Maine Pyar Kiya, le choix d’un nouveau scénario est délicat pour Sooraj. Il cherche seul sans succès pendant un moment. C’est finalement son père, Rajkumar, qui va lui donner la clé en lui proposant de repartir d’un ancien film des productions Rajshri, Nadiya Ke Par (1982) de Govind Moonis avec Sachin et Sadhana Singh. Sooraj réécrit tout, modifie les personnages, en ajoute et aboutit à la première version du scénario. Il dira plus tard qu’il n’y croyait pas au début, le trouvant trop plat, sans action et qu’il avait du mal à développer une histoire qui lui plaisait. Son père donnera la "touche" Rajshri en lui suggérant de mettre le drame vers la fin.

Mais qu’a donc ce film de si extraordinaire ?

Même si l’on peut résumer l’histoire de façon très rapide, HAHK reste avant tout une fresque. Une fresque familiale avec ses complications et ses relations parfois ambiguës. Par exemple ? Le curieux trio formé par Alok Nath, Anupam Kher et Reema Lagoo, les amis de collège. Reema a épousé Anupam mais ses liens avec Alok restent vifs après toutes ces années (ce qui offre l’occasion d’un bien beau passage musical, Aaj Amare Dil Mein).

Si HAHK raconte une histoire familiale au sens propre, il en raconte une autre au figuré : celle de la grande famille indienne. Le film est truffé de références et d’allusions (une technique que le réalisateur utilisera dans tous ses autres films), à commencer par celle à la mythologie avec l’histoire de Shakuntala, une des figures du Mahabarata qui sert de fil rouge comique. Autre exemple, les noms des personnages. Kailashnath (temple dédié à Shiva et mont sacré tibétain), Siddharth (nom du Bouddha), et Prem (amour et affection en sanskrit) qui sera le nom du héros de tous ses films ultérieurs. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’il gardera ce nom pour son héros masculin mais qu’il changera à chaque fois celui de l’héroïne.

Un coup d’oeil à la fonction des personnages permet toutefois d’envisager une autre explication à ce succès.

Le personnage central est Pooja. C’est elle qui est l’ange de la maisonnée, la bonté incarnée. Les patriarches Kailashnath et Choudhury dirigent les affaires matérielles et assurent protection et subsistance à la communauté. Prem est un homme d’affaires et Nisha est ingénieur. Et, bien entendu, on trouve également les domestiques. Cela ne vous rappelle rien ? En fait il s’agit de la reconstitution des castes en vase clos.

Pooja a la fonction de Brahmane, elle représente le spirituel, le guide. Kailashnath et Choudhury sont les Kshatriya, les rois terrestres de cet univers autarcique. Prem et Nisha sont les Vaishya, les actifs dans leur temps. Les domestiques sont les Sudras. Restent les intouchables. Pas simple à intégrer dans cet univers si propre. Sooraj Barjatya utilise un personnage symbolique : le chien Tuffy. C’est lui qui est aux pieds et c’est lui qui va changer le cours de l’histoire, qui sera le "fils de Dieu" (l’un des noms des intouchables). Tuffy est d’ailleurs un nouveau personnage, créé par Sooraj, qui n’existait pas dans le film original, Nadiya Ke Par.

Il est donc extrêmement facile pour chaque spectateur indien de se reconnaître dans un personnage et dans l’univers du film. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le public se soit rué dans les salles.

Mais Sooraj Barjatya ne s’est pas arrêté au scénario et aux personnages. Si ces matériaux s’adressent directement au coeur indien, la technique est également mise à contribution.
Le choix des couleurs par exemple, auquel il dit s’être particulièrement attaché. Le ton est donné dès le générique en noir et blanc, ou plutôt en jaune et bleu, couleurs lunaires, la lune ayant une forte connotation familiale en Inde. Toutefois, l’exemple le plus flagrant est l’association du sari vert de Madhuri et du costume marron/orange de Salman évoquant directement le drapeau indien.

Si le réalisateur sait s’appuyer sur la technique, curieusement à première vue, la façon de filmer est particulièrement neutre. Aucun effet spécial ni plan acrobatique. Plongées et contre-plongées sont réduites à leur usage le plus basique. Clairement Sooraj Barjatya n’est pas un amateur de "gadgets visuels", les chorégraphies étant les seules exceptions à cette règle. D’ailleurs, il raconte dans une de ses interviews que le premier jour où il a assisté Mahesh Batt sur Saaransh, il a compris qu’un réalisateur n’a rien à faire des histoires de caméra et d’angles de prise de vue. Son problème c’est le film dans son ensemble. Dans HAHK, il utilise certes des plans larges, classiques au cinéma, mais il utilise surtout des types de plans plus fréquents en télévision : plans moyens et gros plans. Globalement le cadrage est plutôt serré, sur le modèle télé. On peut dire que HAHK est filmé comme un soap, un de ces films produits par les vendeurs de lessive dont l’objectif est de garder le téléspectateur (ou plutôt la téléspectatrice) devant son écran entre deux pubs. Cette façon de travailler peut surprendre pour un film de cinéma qui se veut spectaculaire et elle donne d’ailleurs une ambiance particulière au film. Mais on comprend mieux cette démarche si l’on se remet dans le contexte de l’époque. Au début des années 90, le cinéma indien est en crise, durement concurrencé par le câble et les cassettes pirates. Pour ramener les spectateurs dans les salles, les Barjatya ont, très intelligemment, tendu des ponts entre le petit et le grand écran. Au lieu de choisir l’option grand spectacle en opposition au petit écran (comme le firent par exemple les Américains avec le cinémascope, le technicolor pour la partie technique et les péplums et westerns pour la partie esthétique), les Barjatya ont choisi d’utiliser les recettes de la télé mais avec les moyens et la magnificence du grand écran. Pari risqué mais pari gagné.

Tous les acteurs qui participent à l’aventure sont parfaits. Les premiers rôles comme les seconds (Satish Shah, Bindu, Sahila Chaddha, Himani Shivpuri). Salman et Madhuri y sont particulièrement charismatiques. En 1994, Salman a déjà une quinzaine de films à son actif. Madhuri a enchaîné de très bons films dont le dernier est l’excellent mais dramatique Anjaam (avec SRK). Elle répond donc avec HAHK au besoin des spectateurs de la voir dans un rôle plus léger. L’alchimie entre les deux acteurs fonctionne à merveille et leurs duos sont un pur plaisir. A eux seuls, ils sont manifestement l’un des points forts du film. Salman nous montre même qu’il n’est pas si mauvais en danse, notamment sur Pehla, Pehla Pyar Hai, une sorte de chorégraphie à la Fred Astaire-Ginger Rogers où sa souplesse et sa sveltesse (ça a bien changé depuis) font merveille. Madhuri est un régal pour les yeux, comme d’habitude.

Pourtant, malgré toutes ces qualités, si une seule chose devait rester du film, ce serait la musique transcendée par ses stars vocales de l’époque : Lata Mangeshkar et Udit Narayan. La musique a toujours une place prépondérante dans les productions Rajshri. C’est presque toujours le squelette du film. HAHK est intimement bâti autour des 14 morceaux qui balisent l’histoire. A la différence de beaucoup de productions récentes, dans lesquelles les musiques et chorégraphies sont ajoutées comme des bonus et n’ont rien à voir avec l’histoire, dans HAHK, chaque pièce a sa place et contribue au scénario autant que les parties parlées. A tel point qu’on sort de la projection avec le sentiment qu’il y avait de la musique pendant tout le film. Les compositions de ce film s’incrustent dans les cervelles et elles font maintenant partie du patrimoine cinématographique indien (voir l’article très complet de Jordan White sur la partie musicale).

Le succès de HAHK sera phénoménal, bien au-delà des espoirs du clan Barjatya. Il se prolongera même sur scène puisqu’une comédie musicale intitulée 14 Songs, Two Weddings And A Funeral, directement inspirée du film, sera jouée en Angleterre plusieurs années plus tard. Pour les amateurs d’anecdotes, c’est Parminder Nagra, héroïne du film Joue-la comme Beckham de Gurinder Chadha, qui reprendra sur scène le rôle de Madhuri Dixit (pour d’autres anecdotes, vous pouvez lire l’article "Il était une fois… Hum Aapke Hain Koun").

Lorsqu’on demande à Sooraj Barjatya s’il pourrait refaire un autre HAHK aujourd’hui, il répond : "Chacun de mes films est une partie de ma vie. Je ne pourrais pas refaire HAHK car cette partie est finie". En attendant, ce joyau unique, qui restera comme l’archétype du Bollywood des valeurs traditionnelles dans le monde moderne, continue à enchanter des générations d’amateurs.

sources : boxofficeindia.com, Rajshri productions, Rediff.com

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