Si vous êtes abonné·e·s à Netflix, vous avez pu constater que de nombreuses productions indiennes — ou mettant en lumière l’Inde — fleurissent de plus en plus sur la plateforme.
En août 2017, le géant américain propose à ses utilisateurs Heartbeats — réalisé par Duane Adler —, une comédie romantique inspirée par Sexy Dance.
Lors d’un séjour en Inde, Kelli — une jeune danseuse américaine de hip hop — rencontre Aseem au cours d’un mariage qu’il anime.
Tous deux, passionnés de danse, succombent à la connexion évidente qui les lie et tombent amoureux.
Seule ombre au tableau, le désaccord de Kelli et de ses parents concernant son avenir professionnel, gâchant quelque peu son escapade indienne.
Le Scénario
Comme le synopsis l’indique, les trames scénaristiques présentées dans Heartbeats sont des plus classiques et banales.
Dès la scène d’ouverture c’est l’empathie du spectateur qui est sollicitée, à travers Kelli contant un passé familial traumatique.
En effet, la jeune femme a perdu brutalement son grand frère dans un accident qui a chamboulé tragiquement le quotidien et la vie de cette famille.
La danse — passion viscérale de la jolie brune — devient alors une sorte de « bouée de sauvetage » et d’échappatoire… au grand dam de ses parents.
C’est exactement ici que réside le nœud de l’intrigue : Michelle et Richard Andrews vont-ils accepter de laisser leur fille vivre sa passion en devenant danseuse professionnelle ?
Ou — au contraire — s’obstineront-ils à lui faire suivre des études de droit, afin qu’elle reprenne le flambeau de son défunt frère aîné ?
Afin que cette dernière « retrouve la Raison », ils décident de l’embarquer dans le mariage de l’une de leurs connaissances, en Inde. Ce voyage de dernière minute ne va que renforcer les convictions de Kelli : la danse, c’est sa vie !
Mes propos vous semblent peut-être clichés, voire niais — je ne vous contredirai pas, car moi-même je ne me reconnais pas —, pourtant c’est le ressort choisi par Netflix et les producteurs de ce film pour en faire la promotion.
Cette « soupe » insipide n’a pour but que de séduire un public d’adolescents sous prétexte que « les histoires d’amour font vendre ». Au-delà du fait que c’est clairement les prendre pour des imbéciles finis, c’est oublier qu’aujourd’hui — et notamment grâce aux immenses catalogues de films et séries auxquels ils ont accès — le spectateur jeune ou moins jeune cherche la confrontation avec des sujets de fond. À mon sens, le spectacle et le spectaculaire ne suffisent plus. Des messages forts, actuels, engagés, doivent être véhiculés ; car c’est précisément cela qui fera d’un produit filmique un chef-d’œuvre ou un navet. Ici autant vous dire que je penche plutôt pour la seconde catégorie.
Le Spectacle
La grande fierté de Netflix pour cette production c’est d’avoir convaincu Jay Z de composer l’une des musiques extradiégétiques de cette dernière. Effectivement, il s’agit d’une sacrée prise pour le géant américain, au vu de la success story du rappeur et homme d’affaires.
Connaissant le talent du Monsieur, ainsi que la liste (longue comme le bras) de compositeurs/musiciens participant au projet, on est en droit d’attendre un haut niveau musical, avec des chansons entêtantes et marquantes.
Et bien là aussi, c’est très décevant.
Certes, les musiques sont entraînantes et correspondent à ce que l’on attend de ce genre de productions cinématographiques, mais je regrette le manque (voire l’absence) de fusions entre la pop états-unienne et des sonorités indiennes. Peut-être que cela aurait été trop cliché, trop facile ou encore attendu ; pourtant il me semble qu’il s’agissait-là d’une occasion de créer une musique hybride intéressante.
Quitte à faire un tournage en Inde, autant puiser dans ses richesses culturelles pour créer quelque chose de nouveau. De pertinent. Or, là, on reste sur sa faim.
Les chorégraphies sont soignées, elles mêlent harmonieusement danses standards et danses traditionnelles indiennes.
Les mises en scène sont relativement efficaces. On nous assène de lumières néons, de couchers de soleil, de lancées de fleurs, de figures géométriques ; bref, tous les ingrédients sont là pour faire le « job », en revanche rien de bien spectaculaire et d’innovant. Cela sent un peu le déjà-vu, le réchauffé. Là aussi, c’est un brin déceptif, alors que la chorégraphie d’ouverture laissait entrevoir une suite prometteuse.
La romance
Lorsque l’on connaît les magnifiques histoires d’amour qui naissent dans l’esprit des scénaristes et réalisateurs indiens, on reste un peu dubitatif quant aux propositions sentimentales de Heartbeats.
La phase de séduction manque de piquant, de péripéties. Seule une petite rivalité féminine vient bousculer très légèrement l’idylle naissante entre Kelli et Aseem. Leurs parents respectifs semblent totalement neutres et indifférents à leur histoire.
Même leurs différences sociales, culturelles et religieuses ne représentent pas un frein ou un obstacle entre les deux tourtereaux. « Facile ! » me diriez-vous. Certes. Mais cela aurait au moins eu le mérite de nous pimenter tout ça !
Leur amour est fade. Il ne nous prend pas aux tripes. On ne ressent rien : ni joie, ni peine. Nothing.
Plus rien ne semble pouvoir sauver ce naufrage.
Et l’Inde alors ?
Une fois de plus, au-delà des paysages (et encore !) l’Inde n’est autre qu’un pseudo décor de « carte postale » pour le film.
On voit peu de choses du pays : du béton, de la pollution, des boîtes de nuit, un brin de verdure. Rien de bien neuf ou de valorisant. Je me demande même si la localisation de la narration est indiquée… C’est dire !
Le pompon reste tout de même attribué à cette séquence où Aseem emmène Kelli dans la campagne indienne et que, soudainement, émerge au milieu de nulle part une troupe de (à priori) Bhangra Folk… alors là autant vous dire que j’ai « buggé ».
Mais pour-quoi ? Pourquoi tomber à chaque fois dans ce genre d’excès et d’images stéréotypées ? Ce n’est pas parce que les films indiens regorgent de ces bulles irréelles, hors du temps, qu’il est donné à tout le monde de les réaliser et de les mettre en scène avec brio — comme eux.
Amis Occidentaux, arrêtez de croire qu’il est aisé de créer ce type de séquences à l’écran, parce que premièrement c’est bien plus complexe que vous le croyez, donc vous faites fausse route ! Et deuxièmement, vos tentatives nous piquent les yeux ! Notamment parce que vous ne connaissez pas les codes des cinématographies indiennes, et que de ce fait vous ne saisissez probablement pas que ce sont plusieurs éléments cohérents imbriqués ensemble qui aboutissent au génie des films made in India.
Alors à la question : fuyez ou regardez ? FUYEZ !
C’est monotone, sans saveur, déja-vu. Sans intérêt. On ne passe même pas un bon moment. On s’ennuie.
Espérons que les autres productions du genre, signées Netflix, soient d’un tout autre niveau.