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Gippi


Bande originale

Baby Doll
Pehn Di Takki
Mann Baawra
Dil Kaagzi
We Are Like This Only

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 29 octobre 2013

Note :
(7/10)

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Gurpreet (Riya Vij), que tout le monde appelle Gippi, a 13 ans. Après les vacances d’été, elle rentre en 3e au collège Ste Mary où elle retrouve son univers familier. L’école, pas plus que les garçons de son entourage, ne la passionnent. Tout comme sa meilleure amie Anchal (Doorva Tripathi), elle est un peu à l’écart et essaye de survivre dans ce monde peu amène. Il faut bien reconnaître qu’elle est un peu bolosse : dodue, aussi peu douée pour les études que le sport, et tellement loin de l’air du temps que Shammi Kappor compte parmi ses idoles. Pour son malheur, la ravissante et populaire Shamira (Jayati Modi) ne rate pas une occasion de lui montrer à quel point elle est nulle.

Sa famille se compose de sa mère divorcée (Divya Dutta) qui dirige un salon de beauté, et de son petit frère Booboo (Arbaz Kadwani) à l’identité sexuelle mystérieuse. Son père va se remarier avec une belle blonde étrangère. Gippi et Booboo sont naturellement invités aux fiançailles, mais c’est évidemment sans enthousiasme qu’ils se rendent à la fête. Gippi s’y ennuie avec application, et pour faire plaisir à sa future belle-mère, elle monte l’escalier afin de tenir compagnie à Arjun (Taaha Shah). Il est beau, il gentil, et il finit le lycée. Gippi fond…

Pour le premier film qu’elle a écrit et réalisé, Sonam Nair a choisi un sujet particulièrement novateur dans le cinéma de Bombay. Gippi nous raconte en effet les débuts de l’adolescence d’une jeune fille ordinaire. Les enfants et les grands adolescents constituent le thème central de nombreux films, mais jamais on ne s’était intéressé avec autant de délicatesse naturaliste à cette période difficile. S’il n’y avait tant de retenue, ce pourrait même presque être un film européen.

Les spectatrices se rappelleront peut-être avec émotion ce qu’elles ont traversé à l’âge où la poitrine s’étoffe et les boutons d’acné éclosent. Les spectateurs pourraient être en revanche un peu déconcertés. Ils étaient à ce moment-là tout à leur voix qui déraillait et à la découverte qu’il existe des filles aussi belles que des mirages. Bien peu faisaient le lien avec leurs camarades de classe, si proches, mais définitivement de l’autre côté d’une étrange barrière invisible.

La campagne de promotion et la réputation du producteur, Karan Johar, ont tenté d’en faire un film réconfortant : « a feel-good movie ». Pour les parents de jeunes filles de cet âge, c’est plutôt scary movie. Le réalisme de Gippi dans la description des relations entre les enfants ne peut que susciter l’inquiétude. Ils apprennent la méchanceté sans pouvoir profiter d’une cuirasse forgée par les années. Heureusement, il ne s’agit que de petites piques et ils ne souffrent pas de grands maux. Mais comment ne pas penser à son bébé qui a pris son bus pour le collège ce matin ? 

Pour dire le vrai, Sonam Nair n’a pas réalisé un documentaire ethnologique. Elle nous raconte une histoire, celle d’une jeune fille qui arrive à trouver l’estime d’elle-même. Cet aspect de Gippi est effectivement roboratif. Mais le ton et le traitement sont suffisamment fins pour que cela apparaisse comme une fable qui nous renvoie à nous-mêmes ; et non comme un récit auquel il faudrait absolument croire. Dans la réalité, les chenilles ne deviennent pas des papillons. Mais si l’on sait regarder, les chenilles peuvent être très jolies aussi…

Pour peupler ce monde si réaliste, il fallait des acteurs de grand talent. C’est exactement ce que l’équipe du film a réussi à trouver. Le casting a nécessité l’audition de près de 30 000 enfants, et la dizaine retenue constitue une équipe éblouissante. Ils sont tellement naturels chacun dans leurs rôles respectifs qu’on a du mal à croire les bonus du DVD qui nous les présentent sur leur vrai jour, radicalement différent. Par exemple, Doorva Tripathi qui joue une Anchal presque déprimée à force d’être isolée, est en réalité une boute-en-train vive et sportive.

Le film est porté par son actrice principale Riya Vij, qui incarne Gippi à la perfection. Elle est de presque toutes les scènes et son naturel dans toutes les situations force l’admiration. Il serait injuste de ne pas citer aussi la « méchante » Shamira, jouée avec intensité par Jayati Modi. Mais l’autre personnage principal est presque le seul adulte du film, la mère de Gippi interprétée par une Divya Dutta comme toujours impeccable. Elle sait être particulièrement attendrissante tout en offrant une crédibilité parfaite à la description de la relation avec ses deux enfants.

La réalisation n’est pas des plus inventives, mais elle n’en avait pas besoin. Nous sommes happés dès le début par le sujet et ses personnages attachants. Ils ne nous lâcheront plus de tout le film. L’histoire est linéaire et sans surprises, mais là encore, ce n’est pas le plus important. Elle ne constitue en fait qu’un prétexte nous permettant de voir évoluer les jeunes adolescents. Sa construction est cependant astucieuse, car les scènes s’enchaînent sans temps mort, et les 95 minutes de Gippi paraissent bien courtes.

Il faut dire que le film démarre avec un coup de poing : Gippi met un CD dans le lecteur et le fantastique Piya Tu Ab To Aaja retentit. Les chansons originales sont en revanche nettement moins réussies. Le duo Vishal-Shekhar, pourtant habitué des musiques entêtantes, peut difficilement remporter l’adhésion avec les cinq morceaux écrits pour l’occasion. Les chansons douces sont mièvres, et les deux ritournelles destinées aux boites de nuit ne plairont qu’aux plus jeunes.

Gippi est un premier film dont on sent immédiatement à quel point il tenait à cœur à son auteur, Sonam Nair. L’affection qu’elle porte à tous ses personnages est palpable au point qu’une grande partie semble autobiographique. Il est ancré dans le réel avec des aspects très bien vus, comme le fait que les adolescents ne sourient que rarement. Ils évoluent comme si leur vie était un fardeau avec de rares moments de répit. 

L’histoire de cette jeune fille un peu grosse est touchante, mais elle n’est ni sombre ni mélancolique. Elle est au contraire souvent légère et l’énergie déployée par les jeunes pour grandir fait plaisir à voir. L’invitation à partager avec Gippi et ses camarades le premier trimestre de la classe de 3e ne se refuse pas. 


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