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Aisha


Bande originale

Suno Aisha
Gal Mitthi Mitthi
Shaam
Behke Behke
Lehrein
By The Way
Gal Mitthi Mitthi (The Bombay Bounce Dhol Mix)
Lehrein (The Bombay Bounce Lounge Mix)

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La critique de Fantastikindia

Par Guiridja, Sumaya - le 22 mars 2011

Note :
(7.5/10)

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Cet article nous a été proposé par Sumaya, un grand merci à elle.

Aisha est une comédie romantique sortie en 2010. Produite par Anil Kapoor et sa cadette Rhea, l’héroïne n’est autre que l’aînée du comédien, la belle Sonam Kapoor, qui a fait ses débuts trois ans plus tôt dans la fresque romanesque de Sanjay Leela Bhansali : Saawariya. Le reste de la distribution se compose de l’acteur confirmé Abhay Deol (révélé par Socha Na Tha en 2005, aux côtés de Ayesha Takia Azmi), du comédien Cyrus Sahukar (vu dans Delhi-6, déjà avec Sonam Kapoor) et de jeunes débutants dont il s’agit, pour la plupart, du premier film. On compte parmi eux Amrita Puri, Ira Dubey, Lisa Haydon et Arunoday Singh. Réalisé par la cinéaste Rajshree Ojha, le long-métrage est en fait la relecture du classique de la littérature britannique de Jane Austen Emma, publié en 1815. Cette comédie de mœurs vacille entre comédie romantique et satire sociale. En effet, entre les prémisses amoureuses des héros et leur place au sein de la haute société, Aisha se veut très avant-gardiste dans son propos, traitant d’une jeunesse urbaine indienne un peu perdue entre ses désirs profonds et ses caprices futiles.

L’histoire est pourtant simple. Aisha est issue de la banlieue chic de Delhi. Belle et pleine aux as, elle a pourtant UNE préoccupation dans la vie : elle se sent effectivement investie d’une mission qui est de "créer les couples", comme le faisait Dieu dans Rab Ne Bana Di Jodi. Et c’est donc décidée qu’elle entreprend de "maquer" Shefali, desi girl par excellence, avec Randhir, garçon de bonne famille qui n’a en revanche pas grand-chose dans le citron. Pour ce faire, Aisha relooke avec sa meilleure copine Pinky la jeune Shefali, un peu déboussolée par cet environnement de luxe qui lui est si peu familier. Pendant ce temps, Arjun Burman, son beau-frère dont elle ne tarde pas à s’amouracher, débarque avec sa nouvelle petite-amie Aarti, fraîchement arrivée de Londres. Nous voici entourés de tout ce beau monde qui semble bien pompeux et superficiel.

Et ce n’est pas faux. Ce qui émane de Aisha, c’est le luxe, l’argent, l’hypocrisie et l’artifice. Dans la haute société, ce qui compte, ce sont les apparences. Et c’est clairement cet aspect qui est mis en relief dans le film. Le début peut franchement faire peur, ressemblant plus à une campagne promotionnelle géante pour L’Oréal qu’à l’adaptation cinématographique d’un des romans les plus subtils de Jane Austen, mais le film trouve ses marques au fil de l’intrigue et l’on se prend d’affection pour ces personnages assez bêcheurs, voire carrément antipathiques de prime abord.

Aisha est la pierre angulaire du long-métrage, car elle illustre à elle seule l’atmosphère du film. Ses manoeuvres pour marier ses semblables sont représentatives de son esprit libre, de son caractère indépendant. L’oeuvre se veut résolument féministe de ce fait. Aisha a un comportement particulier, sa propension à n’en faire qu’à sa tête, sans se soucier de l’opinion des autres ni de leurs sentiments. Lorsqu’elle décide de prendre Shefali sous son aile, elle ne tarde pas à agir. Elle ne se substitue pas à l’autorité masculine, surtout pas à celle de son père, qui la traite comme une princesse. Sûre d’elle, de son intelligence, de son rang et de la justesse de ses actes, Aisha a tendance à en faire trop, enfermée dans son propre ego, elle ne se rend pas compte que sa perception des relations humaines est totalement erronée. Elle a évolué depuis toujours dans un environnement de superficialité, où l’esthétisme prime sur la profondeur.

Mais limiter Aisha au rôle de fille hautaine et imbue d’elle-même serait réducteur. Dans la seconde partie du film, où l’emphase se centre un peu plus sur le couple principal que forment Aisha et Arjun, le portrait peu élogieux dessiné jusque-là est nuancé par une extrême sensibilité, une sincérité à toute épreuve et une véritable droiture. Aisha se révèle tout au long du film plus ambivalente qu’il n’y paraît. Il y a en effet la Aisha du paraître, celle qui privilégie les beaux vêtements et le maquillage haut de gamme au reste ; et il y a la Aisha de l’être, celle qui laisse éclater ses sentiments et sait admettre ses erreurs. Par excès de confiance et parfois de zèle, Aisha pèche et fait souffrir ceux qu’elle aime.

C’est surtout sa relation tumultueuse avec Arjun qui la pousse à agir de la sorte. Elle tente de vivre par procuration son amour mais, au summum de l’égocentrisme, elle ne se rend plus compte qu’elle tente de reconstituer la relation parfaite, saine et aseptisée dont elle rêve avec Arjun. Sans doute en attend-elle trop, c’est pourquoi elle se retrouve déçue d’abord par les alliances qu’elle avait mis tant d’ardeur à constituer, puis par l’illusion de sa relation non assouvie avec Arjun, qui n’est en fait qu’artificielle. Légèrement condescendante avec les gens issus d’un rang social inférieur au sien, Aisha tente par tous les moyens d’empêcher Shefali de tomber dans les bras de Saurabh, son ami d’enfance issu d’un milieu simple. L’image qu’a Aisha du parfait mariage est tellement irréaliste mais en même temps tellement présente dans son esprit qu’elle monopolise toute son attention. Prétentieuse, Aisha n’en demeure pas moins généreuse et reste convaincue que son but est d’aider les autres.

Sous une superficialité apparente, Aisha est en réalité un film très travaillé, dans lequel la psychologie de chacun des personnages (en particulier celui de Aisha, bien sûr) est très aboutie. Il faut savoir lire entre les lignes pour en saisir toutes les subtilités. De plus, l’émotion est bel et bien au rendez-vous, la seconde partie surtout regorge de belles scènes dont la cinéaste a su tirer profit. Le film prend réellement tout son sens après une première partie que l’on pourrait considérer comme une longue introduction de tous les protagonistes. Et il retrouve tout son souffle principalement grâce à l’évolution du personnage de Aisha, à sa prise de conscience et au bouleversement qu’elle va provoquer en elle.

Sonam Kapoor est parfaite dans ce rôle de belle bourgeoise clairement pourrie gâtée, le rôle était sur mesure pour elle ; après les déceptions multiples de ses précédents films, elle se révèle irréprochable dans Aisha, qu’elle assure sur ses seules épaules. Chapeau ! Abhay Deol, bien que largement sous-employé, est irrésistible, même s’il est assez difficile de comprendre comment cet acteur exigeant a pu accepter de jouer dans une oeuvre aussi conventionnelle. N’en demeure pas moins que son personnage reste une des pièces maîtresses de l’intrigue. Il est en effet le seul à remettre en question l’attitude de Aisha, et à la critiquer ouvertement, pour mieux la mettre dans le droit chemin. Et c’est aussi le personnage le plus attaché à Aisha, celui qui se soucie sans doute le plus de son bonheur, et son affection pour elle est d’autant plus grande qu’il fait preuve d’un bon sens solide, qui s’applique à Aisha comme à cette société hypocrite et futile qui le rebute tant.

Le film possède bien des atouts, et sa musique en fait partie. En effet, les compositions d’Amit Trivedi sont très hétérogènes, entre musique traditionnelle au second degré très jouissive avec Gal Meethi Meethi Bol et morceau pop/rock acidulé très girly avec By The Way. La ballade Lehrein est un morceau teinté d’émotion et de dérision, en témoigne le clip de la chanson. Le titre Behke Behke est dynamique, nettement influencé par le tango, son introduction fait vaguement penser à l’entrée en matière de la chanson Haule Haule. Le son Suno Aisha n’est certes pas l’extrait le plus original de l’album, mais en est un des plus efficaces. La voix du compositeur, lui-même, est douce et posée, mais emplie de conviction dans son interprétation. La chanson Sham est en revanche l’extrait qui tombe à plat, assez insipide et fade. Mais l’album de Aisha, tout comme l’ensemble du travail d’Amit Trivedi ces deux dernières années, est digne d’éloges car il se veut décalé et anti-conformiste. Les influences du compositeur sont diverses, et ce melting-pot de genres est remarquable dans la bande originale d’Aisha. Pour en savoir plus concernant l’album du film, consulter la critique de la musique du film de Jordan White.

Du premier visionnage peut émaner une impression désagréable de déjà-vu et de manque de profondeur, mais en s’y reprenant à deux fois, on ne peut nier le fait que ce Aisha possède un charme particulier, dû à sa musique, son casting impeccable et ses scènes efficaces. Avec le recul, on ne peut qu’admettre que ce film possède une magie certaine. Aisha restera dans les annales du cinéma indien, en particulier pour son final, des plus théâtraux.

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